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Prix Thyde Monnier Poésie Voyage du rien (éditions Henry)

Si Lear dit à Cornelia que « rien ne viendra de rien », Etienne Paulin a eu raison d’écrire ce Voyage du rien car il nous donne beaucoup à ressentir, à méditer, à vibrer aussi.

Il y parle de loin, avec pudeur, d’un passé révolu mais fondateur d’une personnalité, la sienne, celle d’un poète particulièrement sensible, dont les mots sonnent justes. C’est par delà le souvenir, l’ombrage qui le fait écrire ce peu qui est tout, car serti de silence. Ses mots sont à la fois simples et graves et la poésie est là. Ses élégies ont ce mystère, cette musique que l’on aime tant chez Pierre Reverdy et qui font prendre à chaque lecteur sa part d’ombre et sa part de lumière. Ces losanges dont il nous parle sont ceux de la mémoire, ils ne sont pas une vaine lumière, ils disent ce presque tout que seul un clandestin a pu percevoir – le temps qui est passé a laissé son limon, cette argile qui lui ressemble. Ces échos qu’il nous donne à entendre, cette musique mozartienne, nous restituent avec pudeur et émotion contenue, le kiosque perdu de l’enfance. Etienne Paulin sait dire aussi l’horreur du 10 juin 1944, à Oradour sur Glane, avec des mots de chair qui font mal, car nous savons – et ne pouvons savoir le temps soudain suspendu :«  petite coquille intacte sur le plateau de la balance du boucher ». Paulin sait déterrer l’humain et l’inhumain. Le noir et la lumière sont un, il le révèle. Et sa mémoire sait trouver des angles pour refaire le voyage autrement.

Sylvestre Clancier (novembre 2012)

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