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Les droits d’auteur attachés à l’œuvre existent du seul fait de sa création. La titularité des droits n’est pas conditionnée par un dépôt ou un enregistrement préalable. En revanche, ce dépôt peut être important en matière de preuve : il permet d’établir une date de création certaine de  l’œuvre en cas de litige ou de contestation, notamment dans le cadre d’un plagiat. S’il n’est pas obligatoire, le dépôt est donc fortement conseillé. Il peut s’effectuer de différentes manières : auprès d’associations d’auteurs, chez un notaire ou à L’INPI. Outre son activité de dépôt imprimé, la SGDL a développé un service de dépôt en ligne, baptisé HUGO et proposé à tous les auteurs pour la protection de leurs œuvres. Il permet d’apporter une date d’antériorité aux œuvres. Le service HUGO permet de surcroît d’effectuer leur sauvegarde numérique.

 

 

De l’importance de connaître la nature du contrat que l’on signe.

L’auteur qui signe avec une personne qu’il identifie comme un éditeur pense qu’il signe un contrat d’édition. Mais juridiquement le « contrat d’édition » a une définition bien particulière, et tous les contrats qui sont proposés aux auteurs ne la respectent pas. Il s’agit parfois de contrats « à compte d’auteur » ou « de compte à demi » et la différence entre les deux est majeure.

1.    Des définitions bien différentes

a.    Le contrat d’édition

Le contrat d’édition est « un contrat spécial », en ce que certaines règles lui sont applicables qui dérogent ou complètent le droit commun des contrats. Il est donc défini par la loi :

Article L132-1 du CPI : Le contrat d'édition est le contrat par lequel l'auteur d'une œuvre de l'esprit […] cède à des conditions déterminées à une personne appelée éditeur le droit de fabriquer […] en nombre des exemplaires de l'œuvre ou de la réaliser […], à charge pour elle d'en assurer la publication et la diffusion.

La transaction qui s’opère est donc un transfert de droit de l’auteur vers l’éditeur, en échange de quoi l’éditeur prend en charge la fabrication et la diffusion. L’éditeur doit donc en couvrir tous les frais.

De plus, le contrat d’édition est soumis à des obligations de formalisme  (clauses obligatoires, séparation entre partie imprimée et numérique, etc.) qui ne sont pas imposées aux autres formes de contrat qui sont par conséquent beaucoup moins protectrices des droits de l’auteur.



b.    Le contrat à compte d’auteur

Le contrat à compte d’auteur n’est pas un contrat d’édition comme le rappelle la loi :

Article L132-2 du CPI : Ne constitue pas un contrat d'édition, […], le contrat dit à compte d'auteur. Par un tel contrat, l'auteur […] verse à l'éditeur une rémunération convenue, à charge par ce dernier de fabriquer […], dans la forme et suivant les modes d'expression déterminés au contrat, des exemplaires de l'œuvre ou de la réaliser […] et d'en assurer la publication et la diffusion.

Ce contrat constitue un louage d'ouvrage régi par la convention, les usages et les dispositions des articles 1787 et suivants du code civil.

Le contrat de louage d’ouvrage ne requiert aucun formalisme particulier. L’auteur ne cède aucun droit, il rémunère l’éditeur qui est un prestataire de services : fabricant et/ou distributeur. Cette rémunération peut prendre des formes très différentes, par exemple le paiement d’une somme à l’éditeur pour couvrir les frais de fabrication des exemplaires, ou d’une obligation d’achat d’exemplaires de la part de l’auteur (ce qui revient au même car le nombre d’exemplaire que l’auteur achètera couvrira en fait les frais de tout le tirage). Cette participation financière de l’auteur peut parfois représenter plusieurs dizaines de milliers d’euros (8700€, vu dans un contrat récent).

c.    Le contrat de compte à demi

Le contrat de compte à demi, plus rare, n’est pas non plus un contrat d’édition.

Article L132-3 du CPI : Ne constitue pas un contrat d'édition, au sens de l'article L. 132-1, le contrat dit de compte à demi. Par un tel contrat, l'auteur […] charge un éditeur de fabriquer, à ses frais et en nombre, des exemplaires de l'œuvre ou de la réaliser […], dans la forme et suivant les modes d'expression déterminés au contrat, et d'en assurer la publication et la diffusion, moyennant l'engagement réciproquement contracté de partager les bénéfices et les pertes d'exploitation, dans la proportion prévue.

Ce contrat constitue une société en participation. Il est régi, sous réserve des dispositions prévues aux articles 1871 et suivants du code civil, par la convention et les usages.

Là encore pas de transfert de droit de l’auteur vers l’éditeur. C’est une société qui est constituée entre l’auteur et l’éditeur. La Société en participation n’a pas besoin d’être immatriculée et ne bénéficie pas de la personnalité morale (elle n’a pas de patrimoine, ne peut pas agir en justice ou être condamnée...). L’auteur et l’éditeur sont des associés qui font des apports (le manuscrit pour l’auteur, les moyens de production pour l’éditeur) et ils vont partager les bénéfices et les pertes.

 

2.    Des conséquences sur la vie et la fin du contrat

a.    La vie du contrat

Le contrat d’édition est soumis à un certain nombre de règles, obligatoires, qui rythment sa vie pour toute la durée pour laquelle il est en vigueur (une durée fixe, ou toute la durée du droit d’auteur).

Ainsi l’éditeur est tenu à un certain nombre d’obligations : reddition de comptes, paiement des droits, exploitation permanente et suivie, recherches de débouchés pour tous les droits secondaires et dérivés... L’éditeur est le gestionnaire de la vie du livre, à charge pour l’auteur de surveiller le respect de ses droits et le bon déroulement de la relation contractuelle.

L’éditeur a la responsabilité de l’exploitation de l’ouvrage et accepte de prendre en charge tous les frais (correction, fabrication, distribution, diffusion…) car il a acquis les droits (souvent à titre exclusif).

Dans le contrat à compte d’auteur c’est l’auteur qui est le donneur d’ordre et le gestionnaire. En effet, il ne transfère aucun droit à l’éditeur. Il est le commanditaire qui paye un prestataire de service pour effectuer certaines tâches. Ainsi l’auteur devra payer pour chaque tirage, les frais de correction, la création de la couverture…

En revanche, l’éditeur n’a aucune obligation d’exploitation permanente et suivie à la charge de l’éditeur… La différence principale avec l’autoédition est l’accès aux conseils et au savoir-faire de l’éditeur.

Le contrat de compte à demi, c’est-à-dire la société en participation qui est créée entre l’auteur et l’éditeur fonctionne librement comme les parties en ont convenu. Là encore pas de formalisme, le plus souvent pas de statuts qui sont remplacés par le contrat passé entre l’auteur et l'éditeur. Ils fixent librement la participation de chacun et les règles de partage des pertes et de bénéfices générés.

La société en participation ainsi créée suit les règles de la SNC (société en nom collectif) du fait de son objet commercial (la vente des livres). Il est donc essentiel de savoir que cette forme sociale est une société à risque illimité dans laquelle les associés sont tous responsables indéfiniment et solidairement si la société ne peut plus faire face à ses engagements. Les associés sont donc tenus des dettes contractées par eux-mêmes ou par leurs associés, y compris sur leurs biens personnels.

Seul le contrat d’édition permet à l’auteur de voir son œuvre exploitée sans aucune participation financière de sa part et offre des garanties de recours simples et efficaces en cas de manquement de la part de l’éditeur (et par conséquent, c’est aussi le seul type de contrat reconnu par la SGDL pour fonder une adhésion). Pour les autres types de contrat, il est donc d’autant plus essentiel d’encadrer très précisément les tâches et les obligations confiées à l’un ou à l’autre des partenaires et de limiter l’application dans le temps pour se ménager des voies de sortie.

b.    La fin du contrat

Le contrat d’édition qui est strictement encadré par la loi, les accords interprofessionnels et les usages prévoit précisément quand et comment le contrat doit ou peut prendre fin.

Certains évènements peuvent conduire à une résiliation anticipée du contrat. Ainsi l’éditeur qui commet une faute contractuelle (non-reddition des comptes, non-paiement des droits, défaut d’exploitation permanente et suivie) s’expose, après une mise en demeure de l’auteur, à une résiliation de plein droit du contrat. La conséquence de la résiliation du contrat est l’arrête de la commercialisation de l’ouvrage et le retour des droits à l’auteur qui peut de nouveau publier avec un autre éditeur.

Les contrats à compte d’auteur, ou à compte à demi n'étant pas des contrats d'édition, ces modes de résiliations ne sont pas des recours possibles pour les auteurs. Seule la loi et les clauses des contrats spécifiques passés pour chacun de ces modes d’édition pourront fixer les obligations de chacun.

-     Le contrat de louage d’ouvrage (à compte d’auteur) est régi par une loi de 1804 reprise dans le code civil (et non pas dans le code de la propriété intellectuelle pour le contrat d’édition), mal adaptée au rapport auteur/éditeur – la loi parle de maître et d’ouvrier, où l’auteur est le maître. Hors clause de résiliation prévue au contrat, il peut en général être mis fin au contrat de louage par le maître, mais à charge pour lui, si l’ouvrage est commencé de dédommager l’autre partie de ses dépenses et des gains perdus. Ce peut donc être une rupture coûteuse.

-    La société en participation a une durée de vie inscrite dans ses statuts (s’il en existe). Dans une SEP chaque actionnaire reste propriétaire des biens qu’il met à la disposition de la société (donc pas de transfert de droits à moins que ceux-ci aient été acquis par la SEP grâce à des deniers indivis). Il ne s’agit donc pas d’obtenir un retour de droits pour l’auteur, mais de mettre fin à la licence d’exploitation confiée à la société.

Lorsque la société en participation est à durée indéterminée, sa dissolution peut résulter à tout moment d'une notification adressée par l'un d'eux à tous les associés, pourvu que cette notification soit de bonne foi, et non faite à contretemps (art 1872-2 C.Civ.).

À Moins qu'il n'en soit autrement convenu, aucun associé ne peut demander le partage des biens indivis en application de l'article 1872 tant que la société n'est pas dissoute.

Si en revanche un terme précis est prévu pour la société, celle-ci ne sera dissoute que par l’arrivée du terme, à moins qu’un cas de dissolution prescrit par la loi (ou des statuts rédigés) se trouve réalisée (mort de l’un des associés…) ou de demander la dissolution en justice.

Ainsi s’il peut parfois s’avérer compliqué, aux yeux d’un auteur, de sortir du contrat d’édition cela reste cependant plus simple, mieux encadré et bien moins coûteux que de tenter de rompre un contrat de louage ou une société en participation.

 

3.      Des contrats parfois hybrides et dangereux

A côté des considérations théoriques énoncées plus haut, on se heurte dans la « vraie vie » à la créativité des éditeurs et de leurs juristes et on rencontre parfois des contrats hybrides, mélangeants certaines caractéristiques de véritables contrats d’édition avec des composantes de contrat à compte d’auteur (rarement à demi).

Ces contrats sont plus difficiles à identifier au premier coup d’œil, pourtant il est primordial de les identifier et de préférence ne pas les signer car en entrant dans cette zone grise il est difficile de déterminer les obligations de l’éditeur (a-t-il une obligation d’exploitation permanente et suivie, ou non ?) ou de s’en sortir à postériori (le mécanisme des résiliations de plein droit peut-il jouer, ou non ?).

On peut les reconnaître en constatant que, comme un contrat d’édition, ils prévoient une cession de droits au profit de l’éditeur, souvent pour une durée qui s’étend à toute la durée de la protection du droit d’auteur. Y apparaissent mêlées à ces clauses d’usage, des clauses prévoyant une participation financière de l’auteur directe ou non – versement d’une ou plusieurs sommes déterminées, prise en charge des frais de promotion, achat forcé d’exemplaires…

On peut considérer ces contrats soit comme des contrats d’édition abusifs (car ils contraignent l’auteur à payer pour être publié), soit comme des contrats à compte d’auteur abusifs (car ils contraignent l’auteur à céder des droits, alors qu’ils financent eux-mêmes l’édition). Résilier ces contrats pour en sortir s’avère souvent être un chemin de croix : exigez une exploitation permanente et suivie et il vous sera opposé que cela n’est pas une obligation de l’éditeur à compte d’auteur, exigez de récupérer les droits abusivement cédés et on vous rétorquera que la cession de droit est la nature même d’un contrat d’édition.

 

Dans ces impasses, le seul recours possible est alors devant le juge – qui souvent pour des raisons financières n’est pas non plus une option pour les auteurs. De plus, la jurisprudence récente est floue sur la manière de trancher ces contrats hybrides considérant tantôt que la prépondérance de clauses appartenant au contrat d’édition le définit comme tel, tantôt que la participation financière permet la qualification en contrat à compte d’auteur.

Pour une exploitation paisible de vos œuvres préférez donc le contrat d’édition classique avec un véritable éditeur qui a les moyens (financiers) de ses ambitions. Sinon aventurez-vous en eaux troubles, mais en vous assurant au moins qu’aucun droit n’est cédé par le contrat à compte d’auteur ou à demi.