L'origine de la SGDL
A l'aube du droit d'auteur
Sous l'ancien régime, le droit d'auteur n'existe pas : les écrivains cèdent leurs droits à un libraire pour une somme forfaitaire, et ne touchent plus rien même si l'ouvrage se vend bien. Ce sont ces mêmes libraires qui, en 1764, lancent l'idée de la propriété littéraire... mais avec la conviction qu'elle leur appartient !
Si les Anglais ont défini, depuis 1709, un copyright qui leur assure la propriété de leurs livres, les Français et les Allemands réfléchissent dans une autre direction. L’œuvre n’est plus conçue comme une simple propriété de son auteur, mais comme la projection de sa personnalité. Au droit de propriété, droit patrimonial, s’ajoute en droits français et allemand un droit moral inconnu du copyright anglo-saxon.
La révolution, avec la loi des 13-19 janvier 1791, proclame pour la première fois, le droit de l'auteur sur son œuvre, et la Convention, le 19 juillet 1793, proclame que "la propriété littéraire appartient aux auteurs d'écrits en tout genre".
Il reste à appliquer cette loi. Les hommes de théâtre ont protesté les premiers contre l'ancienne coutume et notamment Beaumarchais qui demande en 1791 la fondation d'une société d'auteurs pour percevoir les droits faramineux des représentations théâtrales. La Société des Auteurs et Compositeurs Dramatiques (SACD), qui voit le jour en 1829, est donc la plus ancienne société de perception créée par des auteurs. Elle gère le répertoire du théâtre, des comédies musicales, des films...
Quant aux romanciers, ils s'inquiètent surtout des droits de reproduction dans la presse : de nombreux journaux publient en effet leurs œuvres en feuilleton sans leur demander leur avis et sans s'inquiéter de les rémunérer. En 1836, Balzac, qui vient de se lancer à son tour dans le roman feuilleton avec La vieille fille, appelle à constituer une société des écrivains dans une "lettre aux écrivains français".
Honoré de Bazac (1799-1850) coll. SGDL |
Louis Desnoyers (1805-1868) coll. SGDL |
Alexandre Dumas (1802-1870) coll. SGDL |
François Villemain (1790-1870) coll. SGDL |
La naissance de la SGDL
Si l’appel de Balzac de 1836 est déterminant pour la création de la SGDL, son véritable fondateur est un grand patron de presse de l’époque, du nom de Louis Desnoyers. C'est à son domicile, rue de la Michodière, puis rue de Navarin, que la SGDL est constituée en 1838. Directeur du journal Le Siècle, qui publie notamment la série des Mousquetaires de Dumas, il reprend l'idée de Balzac et réunit chez lui, le 10 décembre 1837, cinquante-quatre prosateurs pour leur soumettre son projet de constitution d'une Société des Gens de Lettres. Après plusieurs réunions, les écrivains peuvent tenir le 16 avril 1838 leur première assemblée générale. Quatre-vingt-cinq gens de lettres, parmi lesquels Honoré de Balzac, Victor Hugo, George Sand, Théophile Gautier ou Alexandre Dumas (aucun d’eux n’a encore atteint quarante ans !), y élisent François Villemain comme premier président.
La société a alors deux objectifs : la défense des intérêts moraux et matériels de ses membres et le secours aux écrivains nécessiteux. Pour cela, elle dispose des sommes qu’elle prélève comme droits de reproduction dans les journaux. Par son adhésion, chaque auteur abandonne en effet ses droits à la Société, qui joue donc le rôle d'agent auprès des journaux et conclut directement des contrats avec eux.
La SGDL propose en outre à ses membres la possibilité d’actions contre la contrefaçon (fréquente à l'époque), une pension aux auteurs (qui ne perçoivent à l’époque aucune retraite), un secours ou des avances sur droit en cas de difficulté et, déjà, un soutien juridique...
L'action culturelle et sociale de la SGDL est saluée, ainsi que son rôle dans la défense du droit d'auteur. Victor Hugo, qui figure parmi les fondateurs de 1837, n'est président que six mois mais c'est lui qui présidera en 1878 le Congrès littéraire international réuni à Paris par la SGDL Et c'est là que le droit de propriété littéraire est véritablement reconnu par tous les grands pays. La France, grâce à la SGDL et grâce à l'aura d’Hugo, est alors à l'origine du droit d’auteur dans sa dimension internationale.
Victor Hugo, plâtre de Rodin (1884) coll. SGDL |
La suite...
La SGDL a été reconnue d’utilité publique en 1891.
Au fur et à mesure de l’évolution des techniques, la Société des Gens de Lettres ajoute à son activité de gestion collective les répertoires du cinéma, de la radio puis de la télévision… Mais elle reste principalement au service de ses membres par un soutien social et juridique, l’organisation d’un service médical et pharmaceutique indispensable en l’absence de sécurité sociale, et l’animation d’une vie culturelle qui en fait la vitrine de la littérature française.
Jusqu’en 1983, la SGDL a maintenu son activité de perception et de répartition des droits (SPRD). Elle décide finalement en 1984 de créer la SCAM (Société Civile des Auteurs Multimedia), qui assurera désormais cette activité de gestion collective, en particulier pour les droits des documentaristes et des auteurs de radio. La SGDL, quant à elle, se recentre sur ses missions culturelles, juridiques et sociales et sur l’action de défense des intérêts de ses membres et plus généralement de tous les auteurs de l’écrit.
Suite à la directive européenne de 1992 sur le droit de prêt en bibliothèque, la SGDL est à l’initiative, en 1999, de la création de SOFIA (Société Française des Intérêts des Auteurs de l'écrit), qui sera rejointe en 2000 par le SNE (Syndicat National de l’Édition) pour devenir ainsi la première société de gestion collective du livre gérée à parité par des auteurs et des éditeurs. Agréée en 2005 pour la gestion du droit de prêt en bibliothèque par le ministère de la Culture, la SOFIA gère également aujourd’hui la copie privée numérique. Elle permet notamment aux auteurs de percevoir directement leurs droits au titre du prêt de leurs livres en bibliothèque et de la copie privée.
En 2015, la SGDL créé BALZAC, le répertoire des auteurs et de leurs ayants droit.