NOUS SUIVRE

Rithy Panh est né à Pnom Penh, rescapé des camps de travail des khmers rouges , il perd ses parents et toute sa famille. Il s’échappe et se réfugie dans le camp de Maïrut en Thailande, puis arrive en France en 1979. Diplômé de l’IDHEC en 1988,
il réalise en 1989 son premier documentaire, Site 2, qui traite des camps de refugiés en Thaïlande. Le succès de cette première œuvre lui ouvre les portes des chaînes de télévision Arte et Canal+. En 1994, il signe un long métrage de fiction Gens de la rizière qui sera le premier film cambodgien présenté en compétition officielle au festival de Cannes. En 1995, il devient coresponsable de l’Atelier Varan au Cambodge pour former de jeunes cinéastes au documentaire. En 2002, il signe S 21, la machine de mort Kmère rouge présenté hors compétition au festival de Cannes et amplement récompensé dans le monde entier. Suivront Les artistes du théâtre brûlé, documentaire sur la difficulté des artistes cambodgiens à trouver leur place dans la société cambodgienne ; puis Le papier ne peut pas envelopper la braise sur le sort des prostituées de Phnom Penh. En 2008, il adapte le célèbre roman de Marguerite Duras Un barrage contre le pacifique avec Isabelle Huppert. Prélude à son livre L’Elimination, il présente en projection spéciale lors du 64 ème festival de Cannes Duch, le maître des forges de l’enfer.

Parallèlement à ses films, il est à l’initiative de la création du Centre Bophana (Centre de ressources audiovisuelles sur l’histoire du pays) inauguré à Phnom Penh en 2006.
Rithy Panh est l’un des cinéaste et documentariste les plus primés.

L’Elimination est un récit intensément personnel mêlant des fragments de son itinéraire dans l’enfer Khmer rouge et une réflexion sur le travail de cinéaste qu’il a mené par la suite au Cambodge auprès des bourreaux.

Rithy Panh avait treize ans lorsque les Khmers rouges sont entrés dans Phnom Penh. En quelques semaines, il perd toute sa famille, père, mère, sœurs et ses petits neveux et nièces. « Ma chance a été d’être entre deux âges », écrit-il. Le jeune garçon est envoyé de-ci de-là au gré d’ordres incompréhensibles, assigné à des tâches parfois épouvantables comme dans le mouroir de « l’hôpital ». La peur et la famine sont partout, il est confronté à des scènes atroces, frôle la mort, survit grâce à son courage, à sa résistance, à d’infimes miracles, et grâce au souvenir de la dignité de son père et des derniers conseils de sa mère. Sa mémoire charnelle, saturée d’odeurs, de sons, restitue au plus près une expérience inimaginable.

L’écriture permet aussi au cinéaste de revenir sur le documentaire tourné des années après dans le centre de torture et d’extermination S21, ainsi que sur les heures d’entretiens terriblement éprouvantes qu’il a eus avec Duch, le chef de ce centre, durant le procès de ce dernier. Il explique, questionne sa démarche dans cette exploration presque impossible de l’extrême. Aujourd’hui encore, son corps, son esprit, vacillent, nous sommes dans ce corps et cet esprit, nous vacillons avec lui. Rithy Panh a tenu bon, L’Elimination est un livre indispensable, un de ces grands livres-témoins qui interrogent l’humanité dans des profondeurs où peu se sont aventurés.

Pierrette Fleutiaux