Guy Boley, né en 1952, a enchaîné de nombreux métiers (Maçon, ouvrier, cracheur de feu, acrobate, saltimbanque, directeur de cirque, cascadeur, garde du corps…) avant de devenir dramaturge pour des compagnies de danse et de théâtre. Il a écrit une centaine de spectacles joués en Europe, au Japon, en Afrique et aux Etats-Unis. Fils du feu est son premier roman.
L’enfant n’a pas de nom, pas d’âge vraiment non plus, cinq, six, sept, huit ans, qu’importe : il est le fils et il observe.
Il observe les hommes dans la forge chauffée à blanc, Jacky et le père, ferronniers d’art. Il observe les femmes dans la chambre à lessive, l’aïeule, la mère et les voisines, brassant le linge, le tordant et l’étendant, encore tout dégoulinant, sur le fil frontière, ligne de démarcation entre l’univers du père et celui de la mère. Feu et eau, deux mondes aux antipodes. Feu et larmes. Comment survivre à la perte de son enfant ?
Jean-Marie, rentre, tu vas manger tout froid, répète inlassablement la plus si jeune Marguerite-des-Oiseaux, une assiette de jambon purée à la main qui finira dans le gosier des poules. Pour durer au-delà du chagrin, la mère à son tour n’aura d’autre issue que de gommer la mort. Et tandis que le père cogne, et pas seulement l’enclume, tandis que la mère dérive en folie douce et borde son enfant mort, le fils du feu et des larmes, perçoit que plus rien ne sera comme avant, qu’il faudra désormais appréhender le monde à travers le rectangle vide et silencieux de l’absence.
Guy Boley transfigure une histoire vieille comme le monde – l’amour torrentiel des mères, la tendresse et la colère impuissante des hommes, l’obstination de l’enfant à sortir de sa préhistoire pour décrypter les mystères de l’humanité – en une fresque pleine de fracas et de vent, de cendre et de suie, traversée de locomotives fumantes, de hordes de papous, d’Attila, de walkyries et de grenouilles sans peau ni tête, bondissant d’un seau en fer blanc.
La vie est une opérette tragi-cocasse où le drame joue des coudes avec la beauté des saisons. D’où vient la lumière, se demande le fils. Question essentielle. La réponse l’est tout autant : le noir aussi scintille et resplendit.
Marie Sellier, membre du jury, présidente de la SGDL