Tout d’abord attachée de presse aux éditions Fayard, Françoise Adelstain crée ensuite sa maison d’édition Franceadel, le temps de publier une dizaine de livres. Elle travaille ensuite avec André Balland et fait paraître les premiers romans de William Boyd, Jerome Charyn et Ruth Prawer Jhabvala, des documents d'histoire contemporaine, des biographies. Suite à des épreuves personnelles et grâce à l’amitié de Christiane Besse, elle se lance dans la traduction et commence par traduire les 1200 pages du formidable roman de Vikram Seth : Un garçon convenable (Grasset, 1995). Suivent d'autres traductions d’écrivains anglo-indiens, Rohinton Mistry, Anita Rau Badami ; de romanciers américains, de documents et particulièrement la correspondance Hannah Arendt - Mary McCarthy. La traduction du troisième roman de Michiel Heyns, Un passé en noir et blanc vient de paraître aux éditions Philippe Rey. « Le métier d'éditeur m'a passionnée. Celui de traducteur me comble. »
Frieda Worth, la secrétaire recrutée par Henry James afin de l’aider à préparer l’édition de ses romans et nouvelles, est le personnage fictif central de l’étonnant roman de Michiel Heyns. Elle en est aussi la narratrice et, en tant que telle, décrit son travail aux côtés du romancier dont elle prend en dictée les phrases entrecoupées et hésitantes. Elle relate également les visites de tous ceux qui gravitent autour de lui, sa famille, en particulier son frère William, ses amis parmi lesquels Edith Wharton. L’atmosphère littéraire et culturelle de l’époque est recréée, complétée par des références à certains faits contemporains comme le féminisme, le spiritisme, ou la télépathie. Dans ce contexte, se développe une intrigue entre Frieda et l’ami de James, Morton Fullerton, celui-ci profitant de son aventure sexuelle d’un soir avec la jeune femme pour tenter de récupérer des lettres compromettantes conservées par James. Mais c’est indubitablement la figure du ‘Maître’ et l’évocation de son quotidien d’écrivain qui donne toute sa valeur à ce roman attachant. Il fallait tout le talent d’une traductrice chevronnée comme Françoise Adelstain, pour parvenir à rendre l’écriture complexe de Michiel Heyns où se font entendre plusieurs voix : celle d’Henry James, citée ou pastichée, celle de la narratrice à proprement parler, et celle, plus surprenante, de la télépathie sous forme de dialogues entre ‘Transmetteur’ et ‘Receveur’. Le Prix Baudelaire 2013 récompense donc à juste titre cette traduction de grande qualité, dans la continuité de toutes celles réalisées par Françoise Adelstain.
Marie-Françoise Cachin (Juin 2013)