Annie Mignard www.anniemignard.com a exercé une douzaine de métiers, enquêtrice qualitative, scénariste, lexicographe… Licenciée ès lettres classiques, diplômée en sciences économiques, ancienne élève de Sciences po Paris, elle publie en 1981 son premier roman, La Vie sauve (Grasset). Depuis, elle écrit des romans, des nouvelles, des novellas, mais aussi du théâtre et des essais (Ecrire, c'est physique, Publie.net, 2010). Elle est traduite en dix langues, commentée et étudiée en France et à l’étranger. En 2001, paraît un essai, d’après sa thèse de doctorat à Paris 8 : La Nouvelle française contemporaine, diffusé mondialement par le ministère des affaires étrangères et sur le site de l’Institut français
A lire : 7 histoires d’amour, nouvelles, Coll. « Mots », Ramsey, réédition HB éditions ; Le Père, roman, coll. « Mots », Seghers ; La Fête sauvage, novella, éditions du Chemin de fer, Grand Prix SGDL de la Nouvelle, 2013 ; Mère humaine, Théâtre, Paroles d’Aube.
En juin 1981, dans la campagne étrusque, un fait divers fait entrer l’information dans l’ère du spectacle. « Miracle ! La terre mange un enfant en direct ! »
C’est ce « sacrifice humain, ce très vieux rite » que raconte la nouvelle d’Annie Mignard. Disons-le tout de suite : La fête sauvage est un pur joyau d’écriture. Il recèle tant d’approches différentes et de subtiles variations d’expression qu’il nous donne le sentiment paradoxal d’un opus énorme et complexe tout entier contenu dans une bulle pétillante.
Voyeurisme de la foule qui accourt autour du lieu du drame. Rite de conjuration contre la peur. Bêtise pathétique des individus devant un événement qui les dépasse. « Jésus Marie ! Mon cœur va lâcher de toutes ces émotions, ça m’élève l’âme.» Discours obscène et drôle malgré lui du président. La mère, mater dolorosa d’un nouveau calvaire, ou bouc émissaire d’une violence rampante. Affrontement inégal entre la nature silencieuse et impitoyable, et l’humanité bavarde et impuissante. Ainsi se chevauchent tragédie antique, comédie sociale, micro-épiphanies individuelles, mémoire collective, strates psychiques et métaphysiques. Faisceau de lasers qui éclairent de leurs significations mouvantes la scène étroite où s’affairent les secours.
Mais le drame essentiel se joue entre le petit enfant de cinq ans et la terre qui l’engloutit, la terre qui l’accueille. Et c’est là qu’Annie Mignard se surpasse.
Pierrette Fleutiaux (juin 2013)