Née à Genève, Brigitte Gyr est de nationalité française et suisse. En 1976, elle s’installe à Paris où elle exerce une activité de traductrice et anime des ateliers d’écriture. Poète, elle a publié de nombreux livres dont : Le Décousu de l’aile (J.Brémond) ; Avant je vous voyais en noir et blanc (J.Brémond, Prix Sernet 2001) ; Eaux fêlées (Signum, 2004) ; La Forteresse de cendres (Dé bleu/idées bleues, 2006) ; Etirée sur le vide (La Petite Fabrique, 2012). Brigitte Gyr écrit également pour le théâtre (Insolation est en cours de montage dans la mise en scène de Christine Farré), pour la jeunesse et des recueils de nouvelles. Elle est publiée dans de nombreuses anthologies de poésie.
Il fut un temps où ce qui est en bas était comme ce qui est en haut, selon la formule hermétique. Nous avions le ciel en nous. Est venu le désastre : nous avons perdu l’étoile. Et par ce manque est apparu le désir, cruel. Et le refus comme indice, pour ne pas oublier ce qui n’est plus, quitte à courir « une indécision / au niveau de l’horaire » puisque le rythme cosmique n’est plus.
Tel semble être le propos de Brigitte Gyr dans son dernier recueil, Parler nu, publié aux éditions Lanskine :
une archaïque coupure
fore dans corps
et terre
un ravin
que nul ne sait remonter
Il reste pourtant l’écrit, comme trace de ce qui n’a laissé aucun signe. L’écrit, et les miracles que Brigitte Gyr sait y (re)trouver ; nous rappelant que la poésie, c’est le miracle – un agencement soudain perce le réel, ou plutôt le transpose. Pas de sens, pourtant, mais une sensation passée dans le verbe :
une tête flotte
dans la rivière
il y a des femmes en crue
et cet éclair
qui incise
ce qui demeure en nous
de printemps
Là, précisément, est le miracle, qui indique sans dire. Comme si Brigitte Gyr avait scellé on ne sait quel pacte qu’il lui arrive de ressentir comme un empêchement, mais auquel elle sait rester fidèle : montrer le roi nu ne serait qu’un ratage, un effacement de la vraie nudité.
Cruel, le désir né de la perte de l’étoile, quand il s’allie au goût de la vérité. Alors mieux vaut s’astreindre à « désosser le réel », puisque « le chant du merle / est éraillé ». En même temps, savoir la perte, c’est ne pas oublier ce qui est perdu. Garder en soi l’objet inanimé, voire glacé, est encore une façon de garder un printemps possible – au-delà des déclarations sur l’impossible dont Brigitte Gyr n’est pas avare !
***
Il passe dans la poésie de Brigitte Gyr le poids d’un secret, dont on sent qu’il est à la fois la marque d’une condamnation définitive et d’une promesse folle ; un secret (féminin ?) jamais dévoilé, et poursuivi avec entêtement. Ses poèmes en seraient les traces, à la fois lumineuses, sombres et charnelles.
Mathias Lair