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Chargé de réalisation à Radio France depuis 1987, François Teste collabore à différentes émissions de documentaires radiophoniques, notamment le Pays d’ici, le Vif du Sujet et Radio Libre (Les enfants d’Izieu, 2002 ; La France des Justes I et II, 2003/2004; Dans l’hiver des Bergers de la Crau, 2004; Le monde des Dockers, 2005 / productrice : Irène Omélianenko).

Depuis 1989, il est régulièrement primé par la SCAM ou par le New York Radio festival. En 2010, il a obtenu le Prix de la meilleure réalisation au festival des Radiophonies et le Prix Phonurgia Nova pour un docu-fiction Vers le Nord (Sur les Docks, producteur, Christophe Deleu).

Pour faire une bonne fiction radiophonique, il faut être magicien : savoir dilater le temps et même... le faire disparaitre. Il faut être chirurgien et opérer à vif dans la chair du langage et des émotions. Il faut être poète et métamorphoser la parole en corps vivant, souffrant, jouissant, riant, pleurant, pensant, ou même... indifférent.

Il faut être – peu ou prou- assassin et plonger sans scrupules un poignard affuté dans le sang chaud des mots et un couteau pointu dans cœur de l’action et des voix qui la portent. Lettres mortes, est, de ce point de vue une fiction parfaite, et parfaitement radiophonique. En voici l’intrigue: Un homme vole depuis des années, les lettres reçues par ses voisins.....

Un accident permet de le découvrir et de l’arrêter.....

Cette fiction se présente comme un documentaire : Qui est cet homme ? Que cherche-t-il ? Que sont devenues ces vies détruites ou construites sur des mots manqués et donc manquants ?

On comprendra tout de suite que la pluralité des voix, des pensées et des sensations qui viennent se greffer sur ce vide soudain comblé est déjà un élément palpitant de la fiction élue ici....

Mais plus surprenant encore, est le lieu de l’énigme lui-même qui réside dans la lettre – magnifique - écrite à son fils par la mère du voleur.....Elle ne se défend pas : elle attaque sur le registre inédit d’un savoir sur la nature des griefs que le personnage adresse à sa mère, lesquels sont le banal fond de commerce de la névrose.

Cette mère là le sait bien. Elle sait que le reproche de fond, le reproche absolu, que le voleur de lettres lui adresse n’est rien d’autre que celui de l’avoir mis au monde, donc mis dans l’embarras avec un corps avec une langue, avec autrui, avec le malheur et le bonheur probables, avec des choix possibles ou impossibles, bref : avec le destin.

                                                                                                Christine Goémé (juin 2011)