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Estelle Nollet est née en République Centrafricaine et a rejoint la France quelques années plus tard. Après des études d'arts appliqués à Paris, elle devient conceptrice rédactrice dans la publicité, en France et à l'étranger, avant de faire, en 2007, de la plongée sous-marine, un deuxième métier. Pour elle, plonger dans le monde du silence s'apparente à découvrir un livre mouvant où une nouvelle histoire se déroule sans crier à chaque instant.

On ne boit pas les rats-kangourous est son premier roman.

Le hameau n'a pas de nom, mais on pourrait le baptiser « Au cœur des ténèbres ». Monsieur Den est l'épicier, mais ses réserves s'épuisent et il n'est pas sûr de pouvoir se réapprovisionner. Dan est le cafetier. Dans son misérable établissement, on y boit sec, chaque jour, chaque nuit, chaque instant, mais on n'y danse pas, on n'y chante pas. Big Doug creuse sans cesse des trous ici et là, et dialogue avec les fourmis, s'entretient plus volontiers avec les bêtes qu'avec ses proches, excepté Willie. Les rats-kangourous ne sont pas très ragoûtants, mais bien mitonnés, ils sont acceptables.

Nous sommes dans un monde d'après la chute, dont les habitants sont les prisonniers pour quelque obscure et fatale raison. La terreur y vibre, sourde et pourtant ample. Des hommes et des femmes y sont, comme partout, de chair et d'os et néanmoins déjà des ombres, et qui sait, à jamais. Et Willie, le narrateur, 25 ans, saura emmener la femme aimée hors de ce purgatoire, afin d'échapper à l'enfer ou plus simplement à une mort certaine. L'espoir se métamorphose sans doute en un petit coyote sans passé et plein d'avenir, une merveille de silence au regard qui bouleverse.

Avec On ne boit pas les rats-kangourous, Estelle Nollet, signe son premier roman et s'apprête à rejoindre cet aîné magistral qu'est Cormac McCarthy. A moins qu'elle ne plonge avec ivresse et sûreté de plume dans ces abîmes si puissamment décrits jadis par Jean Giono dans Batailles dans la montagne.

Daniel Arsand