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Né à Paris, d'une mère née à Reims et d'un père né à Ankara, David Boratav est diplômé de l'Institut d'Etudes Politiques de Paris, de la Faculté de Droit de Strasbourg et de la Faculté de Droit de Leeds au Royaume-Uni. Il a vécu à Paris, Londres, Istanbul et New York. Il a travaillé, entre autres, comme assistant parlementaire à Paris et à Bruxelles, pour le World Service de la BBC à Londres, les Nations Unies à New York, puis comme traducteur indépendant, critique littéraire et correspondant du magazine Chronicart. En septembre 2009, il publie chez Gallimard son premier roman, Murmures à Beyoģlu.

Est-ce un vieux poème Zahir ou des raisons personnelles bien enfouies qui causent l'insomnie légèrement hallucinatoire dont souffre le héros du roman de David Boratav Murmures à Beyoģlu ? Qu'importe. L'insomnie est une aventure, dont l'une des premières étapes est la visite au psychothérapeute juif Lenz, installé en face de la mosquée radicale de Finsbury Park. Notre héros ne peut résister à cette « curiosité sociologique », pas plus qu'il ne pourra résister à la traîtrise doucereuse d'un employé du consulat turc. Et nous voilà, nous lecteurs, entraînés avec lui dans un dédale d'histoires glissant les unes dans les autres entre Londres, Paris et Istanbul. Et surtout un quartier de cette dernière ville, Beyoģlu. Un enchaînement de circonstances, aussi trouble et puissant que dans les rêves, ramène en effet le narrateur dans son pays de naissance, sur les rives du Bosphore « où le courant coule dans les deux sens ».

Se révèle à lui tout un monde, bruissant de rumeurs, d'odeurs, souvenirs d'enfance, légendes orientales, scènes de rue, personnages hauts en couleur dont les moindres ne sont pas ceux de sa famille. La terre elle-même se mêle de le déstabiliser avec ses tremblements, les gens ne fonctionnent pas comme il s'imagine, il veut acheter un gramophone à un vendeur de rue: « A combien évaluez-vous la vie d'un homme ? demande le vendeur. Elle n'a pas de prix, répond-il. Eh bien cet objet en vaut la moitié, dit le marchand. De quoi ? demande le narrateur. Du prix que tu viens de donner. » Un véritable roman d'aventures, qui travaille au passage les clichés pittoresques ainsi que les questions du déracinement et de l'identité. Porté par une écriture littéralement hypnotique, le roman de David Boratav fait entrer cette Turquie perdue et retrouvée dans notre paysage intérieur.

Pierrette Fleutiaux