Des lettres de Baudelaire et Maupassant viennent d'être restituées à la Société des Gens de Lettres 43 ans après un vol commis dans ses collections , soit une petite partie du butin dérobé dans ses collections en 1980. La SGDL lance un appel à signalement et promet que les restitutions intervenues avant la fin 2024 ne feront pas l'objet de poursuites.
La Société des gens de lettres (SGDL) vient de retrouver trois lettres signées Charles Baudelaire, Guy de Maupassant et Alexandre Moreau de Jonnès, qui avaient été volées dans ses collections en 1980
Dans la nuit du 11 au 12 juin 1980, un vol par effraction était commis à l'Hôtel de Massa, siège de la Société des Gens de Lettres (SGDL) dans le XIVe arrondissement de Paris*. Un coffre renfermant une partie des collections patrimoniales de la SGDL était forcé et 160 lettres autographes des XIXe et XXe siècles dérobées, ainsi qu'une édition originale du recueil Une saison en Enfer d'Arthur Rimbaud.
Ces lettres, provenant de membres ou correspondants de la SGDL, sont signées d'auteurs tels que Victor Hugo, Honoré de Balzac, Alexandre Dumas, Charles Baudelaire, Guy de Maupassant, Pierre Louÿs, Émile Verhaeren, Charles Péguy, Colette, Maurice Maeterlinck, Pierre Benoit, José-Maria de Heredia, Léon Blum...
Le vol ayant fait l'objet d'un dépôt de plainte et les manuscrits portant le cachet de la SGDL, il paraissait peu probable qu'elles puissent réapparaître un jour sur le marché de l'art. Les maisons de vente aux enchères et marchands d'art ont en effet l'obligation de contrôler la provenance des objets qu'ils mettent en vente et la présence du cachet d'une institution doit éveiller leur attention.
Pourtant, au cours des derniers mois, plusieurs pièces provenant de la collection volée en 1980 à l'Hôtel de Massa ont mystérieusement refait surface :
Au mois de novembre 2023, une lettre de Charles Baudelaire datée de 1852 envoyée au Président de la Société des Gens de Lettres était mise aux enchères par une prestigieuse maison de vente parisienne. La Société des Gens de Lettres a immédiatement saisi l'Office central de lutte contre le trafic de biens culturels (OCBC) et la lettre a été retirée de la vente, puis restituée à la SGDL.
Au mois de décembre, un collectionneur belge voulant faire estimer une lettre de Guy de Maupassant, l'expert a consulté l'alerte sur la présence d'un tampon de la SGDL et l'invite à signaler ce bien à l'institution. Il apparaîtra que la lettre provenait elle aussi du fonds volé à la SGDL en 1980. Elle a donc pu lui être restituée.
Enfin, mi-janvier, une lettre de l'écrivain et aventurier Alexandre Moreau de Jonnès portant elle aussi le tampon de la SGDL est repérée sur le site de vente entre particuliers Ebay.com, sur lequel opère également des vendeurs professionnels. L'intervention de la SGDL et de l'OCBC a également permis de procéder à une restitution.
Lettre d'Alexandre Moreau de Jonnès à la SGDL du 25 février 1843
Les informations recueillies à l'occasion de ces restitutions laissent penser que les auteurs du vol commis en 1980 ont probablement dispersé leur butin, dont les pièces ont depuis lors pu être revenus.
Déclarées auprès de l'Office central de lutte contre le trafic de biens culturels (OCBC), service de la Direction nationale de la Police judiciaire qui dispose de cellules de surveillance du marché de l'art et de renseignement criminel, ces pièces ne peuvent être conservés ou revenus. Le Code pénal dispose : « le fait de dissimuler, de détenir ou de transmettre une chose, ou de faire office d'intermédiaire afin de la transmettre, en sachant que cette chose provient d'un crime ou d'un délit » constitue un acte de recel « puni de cinq ans d'emprisonnement et de 375 000 euros d'amende », qui peut être porté à « dix ans d'emprisonnement et de 750 000 euros d'amende lorsqu'il est commis de façon habituelle, ou en utilisant les facilités que procurent l'exercice d'une activité professionnelle [ou] lorsqu'il est commis en bande organisée. » (art. 321-1 et suivants).
* https://www.lemonde.fr/archives/article/1980/06/14/vol-de-manuscrits-a-la-societe-des-gens-de-lettres_2804801_1819218.html
- à lire : article de Nicole Vulser dans "Le Monde" : Deux lettres volées, signées Baudelaire et Maupassant, resurgissent mystérieusement (lemonde.fr)