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Gabriel Rebourcet, rédacteur en chef

Riveneuve (le nom d'un quai à Marseille) est une revue d'auteurs qui donne la parole aux écrivains. Nous sommes une revue de littérature, nous n'avons pas pour vocation la défense ou la promotion de la francophonie en aucune façon, et je m'écarte du mot «francophonie» autant que possible. Notre revue s'appelle RIVENEUVE Continents, revue des littératures de langue française. Elle est semestrielle et deviendra quadrimestrielle en 2007.

Nous ne sommes pas nés d'une volonté institutionnelle, simplement cinq amis fous de littérature, qui souhaitaient racheter Granit, la merveilleuse revue et la maison d'édition Granit avec François-Xavier Jaugard. Nous n'y avons pas réussi, pour des questions juridiques, et nous avons décidé de faire une revue. Comme on était à Marseille, elle se situe à Marseille. Il n'y a pas de volonté politique non plus dans le fait qu'elle se trouve à Marseille.

Le grand principe est d'accueillir la littérature de tous horizons, pourvu qu'elle nous arrive en langue française et qu'elle soit littérature, c'est-à-dire qu'il y ait une écriture et des auteurs. Pas de choix politique ou géographique. Il y a des poids lourds dans la francophonie que nous ne reconnaissons pas comme poids lourds littéraires. Nous avons publié dès le numéro 1 un auteur japonais absolument magnifique, Yosono Abe, qui écrit en français.

Nous essayons d'avoir une aussi grande panoplie que possible avec une petite partie de revue de lecture, les coups de cœur. Nous recevons un service de presse un peu moins important que celui du Matricule des Anges, et il nous arrive même d'acheter les livres, ce qui est parfois original pour une revue.

Ce qui a distingué notre revue dans sa naissance et son fonctionnement, c'est qu'on a mis quatre ans à élaborer un réseau de personnes avant de démarrer le numéro un. Mettre un certain nombre d'amis dans le coup, leur parler du projet, les faire adhérer au projet, et finalement créer un comité éditorial qui est extrêmement large, ce qui fait que nous pouvons recevoir des propositions d'auteurs confirmés autant que des propositions d'auteurs récemment découverts. On essaie de créer un équilibre aussi juste que possible.

Une revue, c'est une revue, donc on ne publie pas que des gens qui ont déjà des monographies importantes, on essaie de trouver des auteurs qui apportent quelque chose à l'écriture, à la saveur de leur horizon chez nous, voire leur regard sur un autre horizon à partir du leur, etc. Par exemple pour le numéro quatre, on fait un «Cahier des deux rives» dans lequel on va publier des auteurs du Maghreb qui sont presque parfaitement inconnus, grâce à des grands collecteurs comme Tahar Bekri et Leïla Sebbar.

Notre revue donne la parole aux écrivains, contrairement à la revue Notre Librairie qui est une revue de critique avant tout, RIVENEUVE Continents est une revue d'expression d'auteurs.

Bien qu'il y ait une petite partie de revue pure, on ne peut pas être absent complètement du terrain de la publication des autres et de ce qui se fait dans l'ébullition littéraire, même si elle est surabondante et que, parfois, l'abondance peut nuire en produisant un phénomène d'étouffement et de saturation. Mais essentiellement dans cette revue de 352 pages, (c'était le clin d'œil à la revue de la NRF, on a décidé de faire le même nombre de pages) il y a une première partie où on donne un Thème à des écrivains, on leur donne seulement une date de bouclage et ils nous envoient un papier en sachant qu'ils sont tous limités à dix pages environ. Le thème occupe environ 140-150 pages, donc presque la moitié de la revue, par principe.

La deuxième partie, Libre Cours, est consacrée à la publication de découvertes.

Et enfin, la troisième partie est l'agenda avec des nouvelles de nos partenaires, des personnes et surtout des partenaires associations ou éditeurs qui travaillent avec nous, et une partie que nous avons appelée «Passeurs». Nous considérons que les littératures de la langue française s'enrichissent de la traduction. La langue française s'enrichit par les traductions, c'est la façon dont certains traducteurs veulent bien voir la chose. Donc, nous donnons la chance à deux ou trois auteurs (trente ou quarante pages), d'être traduits en langue française car elle devient, pour des langues de diffusion mineure, l'universalité, au même titre que la langue anglaise, d'ailleurs.

On traduit de l'albanais, du finnois, du norvégien, on a toujours deux ou trois textes, ou du russe parce que le russe a aussi un peu perdu de vitesse.

Quand on a une activité en France, quelle qu'elle soit, l'édition ou autre chose, il faut venir à Paris, c'est le lot de la province, mais le fait d'être à Marseille ne nous pénalise absolument pas. Nous avions, dans les années de préparation, établi un accord avec Interforum qui nous diffuse, mais ça n'est pas un critère essentiel pour la vie de notre revue. Comme vous le savez, les libraires n'aiment pas beaucoup les revues, il y a peu de libraires qui prennent les revues tout simplement parce qu'elles échappent au libraire très rapidement (l'abonné va entrer en contact direct avec la revue). Il y a des librairies, même dans le réseau de premier rang de l'office d'Interforum, qui refusent les revues, dont de très belles librairies sur le boulevard Saint-Michel.

Néanmoins nous vendons à peu près 200 exemplaires à travers la partie Interforum. Nous tirons seulement à 1500 exemplaires, mais l'économie d'une revue ne peut pas se limiter à ses ventes. Nous obtenons un accompagnement financier, avec l'OIF, et quelques autres sources institutionnelles. Nous sommes un peu la vitrine du Prix des Cinq Continents, Toute une partie de l'agenda des partenaires y est consacrée.

La revue est née pour publier des auteurs, faire apparaître des pages inconnues, des écritures inconnues, les diffuser le plus largement possible. On est diffusé sur cinq continents et, dans la centaine d'abonnés qu'on a maintenant, il y en a sur les cinq continents, plus en Amérique qu'en Europe, et nous organisons des petits événements. Par exemple une réunion littéraire, la semaine dernière, de présentation de la revue avec 70 personnes à Marseille, ce qui est un exploit. Les revues littéraires, ce n'est pas la tasse de thé à Marseille, il y a d'autres sports qui attirent un peu plus les foules. On les avait réunis au club Pernod, on avait fait un effort culturel important. Mais on arrive à faire vivre la revue, même à Marseille et, petit à petit, à faire naître non pas des vocations, mais un peu d'échauffement et d'enthousiasme.

La revue reçoit les textes et nous avons maintenant une proportion d'environ 10% de textes spontanés, ce qui est une petite courbe de progression qui me semble assez satisfaisante. On a été chercher à travers le réseau, on reçoit beaucoup avec le réseau, on élimine parce que l'éditeur doit faire un travail d'élimination explicitée auprès de ceux qui envoient des textes, bien entendu, et je pense - c'est cruel ce que je vais dire - qu'on va avoir la chance d'éliminer plus de 30 % de ce qu'on a reçu pour le numéro quatre, ce qui est une richesse en soi et nous encouragerons les auteurs à envoyer des textes pour le numéro cinq et le numéro six. La revue, c'est vivant et c'est un corps vivant.

Nous avions salué la préparation de l'année de la francophonie en novembre dernier, avec pour thème «L'écrivain dans ses langues», et on a reçu des textes avec les deux couleurs, la langue de l'écrivain et la langue du pays ou de la culture de l'écrivain, on a joué sur les deux. Nous sortons en juin prochain «L'objet de la lecture» comme thème de la revue.

Ce sont des thèmes qui sont à cheval sur un jeu de mots, entre ce qui est l'écriture elle-même et le fonds culturel originel des auteurs.
Sur notre site Internet, nous ne mettons pas encore la revue intégralement, mais l'internaute peut aller chercher quelques articles et quelques papiers, et surtout le descriptif détaillé de ce qu'on trouve dans la revue.

Je fais partie du comité des cinq personnes créatrices de la revue, avec Alain Sancerni, grand connaisseur de la culture en Afrique et dans les pays des Caraïbes en général. Nous avions cette volonté commune au départ d'un rassemblement par la langue française. J'ajouterai d'ailleurs, comme un clin d'œil, que certains de nos auteurs écrivent dans les deux langues. Nous avons publié un écrivain polonais qui écrit en polonais et en français, qui ne traduit pas ses textes polonais en français, il écrit vraiment en français et en polonais. Le choix a été fait à partir de là.