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Thierry Quinqueton, chargé de mission à la division de l'Ecrit et des Médiathèques du Ministère des Affaires Etrangères

Nous avons largement évoqué ici la situation du livre en Afrique : sur ce continent, mais c'est vrai ailleurs, même si c'est parfois moins visible, on constate comme une évidence que parler de marché du livre n'a aucun sens si la population n'est pas -ou peu- alphabétisée. Ces situations nous redisent avec force comment toute politique en faveur de l'édition doit s'articuler avec la politique éducative et la politique en faveur de la lecture publique.

Lorsqu'on tente d'appréhender la réalité du livre dans une société donnée, il est important - je pense - d'observer comment s'articulent les trois champs, les trois aspects, dont nous parlent les socio-économistes : la relation marchande, les politiques publiques et enfin l'action de la société elle-même.

J'ai été tout à fait frappé par le propos développé par la présidente de l'Association des libraires francophones. Elle a dit une très belle chose et qui m'a semblé très juste : il ne faut pas dire, ni penser, que l'argent chasse l'esprit dans nos librairies, il le fixe.

Et en effet, l'argent a bien sa place dans le livre. A vouloir l'exclure - comme s'il risquait de «souiller la pure production de l'esprit», on risque de se retrouver dans une situation qui était celle de l'Europe chrétienne il y a quelques siècles: quand ce n'est pas l'argent qui domine le livre, ça peut aussi être la religion; de même que longtemps, l'émancipation vis à vis du marché a été l'un des arguments en faveur d'une édition entièrement contrôlée par l'état dans les régimes communistes du siècle passé.

La dimension marchande de l'activité d'édition joue donc un rôle non négligeable dans la liberté de circulation des idées. Tout le problème, c'est de ne pas inverser les termes : la circulation des idées ne peut en revanche être réduite à sa dimension marchande. «L'argent ne chasse pas l'esprit, il le fixe» : je trouve cette formulation tout à fait juste pour le livre.

La politique du Ministère des Affaires étrangères quant au soutien au livre et à l'édition est d'inciter tous ses services, et en priorité les centres culturels français, les bureaux du livre, à jouer au maximum le jeu des chaînes du livre locales. Il ne faut pas se substituer, en aucune circonstance, et quand on est dans un endroit, que ce soit au Burkina, que ce soit à Hongkong, que ce soit à Moscou, ce qu'il convient de faire d'abord, c'est de regarder comment fonctionne localement la chaîne du livre et d'essayer au maximum de s'y inscrire.

Nos actions en direction des pays du Sud contribuent ainsi fortement à maintenir la chaîne commerciale locale du livre.

Laissez-moi dire quelques mots sur un de nos outils, «le programme d'aide à la publication», qui représente des soutiens modestes pris isolément, mais qui -depuis une dizaine d'années- a permis la publication à l'étranger de plus de dix milles livres français. Il s'agit de soutenir les ventes de droits : quand un éditeur étranger souhaite acheter les droits d'un livre pour en réaliser l'édition (donc la traduction) dans son propre pays, le Ministère l'aide en prenant en charge une partie ou la totalité des montants négociés entre éditeurs pour la cession des droits.
Concernant la gestion de ce programme, la recommandation faite à nos services est de concentrer les soutiens vers les maisons d'édition témoignant d'une politique en faveur des traductions. Plus que de soutenir tel ou tel livre pris isolément, il s'agit de soutenir les maisons d'édition étrangères elles mêmes, dans l'ouverture de leurs catalogue.