NOUS SUIVRE

Samuel Millogo, écrivain et traducteur


Il convient de distinguer ma production strictement personnelle des œuvres que j'ai traduites. Il faut aussi souligner que la parution des différentes œuvres ne respecte pas la chronologie de la création. Ainsi par exemple Savannah Blues (1996) était prêt bien avant La Route traduite en association avec Christiane Fioupou et disponible dès 1978. Certains morceaux de Récits de ma vallée datent de la période où l'étudiant en thèse est allé se familiariser davantage avec une littérature encore peu connue dans les universités de langue française. Cet état des choses tient essentiellement aux difficultés rencontrées en matière d'édition. Se faire éditer était et demeure un parcours du combattant.

Certes il existait déjà quelques maisons africaines affichant une politique ambitieuse mais certaines d'entre elles ont peut être définitivement tué toute velléité d'écriture chez ceux dont les manuscrits ont achevé leur course dans le dédale éditorial, condamnés à un sommeil éternel, sans notification aucune. Chercher le salut de l'autre côté des mers ? Les rumeurs n'étaient pas de nature à rassurer : il fallait montrer patte blanche pour espérer voir s'entrouvrir les portes de l'autre rive. L'expérience vécue en ce qui concerne La Route sembla les confirmer. Il a en effet fallu que le Prix Nobel soit décerné à Soyinka pour que Hatier se décide enfin à publier la pièce- après une intervention personnelle du lauréat auprès d'Oxford University Press et de son partenaire français. Les bienheureux traducteurs se contentèrent de quelques exemplaires et d'une somme forfaitaire symbolique.

Une mention rapide doit être faite de ceux qui opèrent dans un certain flou malgré une abondante moisson au nord comme au sud du Sahara. En toute naïveté le novice se jette dans des bras ouverts pour apprendre un peu tard qu'il existait d'autres adresses. Il est bien louable de permettre à un jeune auteur de sortir de l'anonymat mais lui imposer de se contenter de la seule satisfaction morale ne peut que surprendre, tout comme l'instauration d'une certaine forme de discrimination dans le traitement. L'expérience de Savannah Blues aura enseigné à son auteur l'existence de certains sables mouvants...

Pourtant il peut s'établir un partenariat fécond. Dans ce cadre s'inscrit la traduction de Sozaboy. Tout aussi marquées de cordialité et de transparence ont été et demeurent les relations avec les Editions Sankofa et Gurli en dépit des difficultés que rencontre une structure aussi modeste. On se permet d'espérer qu'une telle initiative sera soutenue et que la coédition francophone, en se développant, ne prendra pas en compte les seuls auteurs confirmés mais intégrera également la promotion des plumes dites émergentes.

Ce Forum Francophone de la Société des Gens de Lettres est pour moi l'un des temps forts du Festival des Francofffonies ; il permet aux plus faibles d'appréhender la complexité des problèmes de l'écrivain, d'intégrer un cadre adéquat pour mieux se défendre. Il constitue l'occasion de s'ouvrir et de renforcer la chaîne de solidarité des gens de lettres du nord et du sud à face à l'hydre de la mondiali