Martin Legros
« Qu’importe qui parle, quelqu’un a dit qu’importe qui parle ! » Voilà comment le philosophe Michel Foucault réglait son compte à la « fonction auteur » dans sa célèbre conférence du 22 février 1969, intitulée « Qu’est-ce qu’un auteur ? » Puisque les contours d’une oeuvre sont toujours indéterminés, puisque l’écrivain ne maîtrise pas, tel un sujet souverain, le mouvement qui l’emporte dans l’écriture, puisqu’il revient à ses destinataires, les lecteurs, les critiques et le public, d’en rechercher inlassablement le sens, renonçons à cette fiction inutile et encombrante ! Elle nous entretient dans l’idée qu’il y a un lieu, en dehors du texte, où gît l’intention première et le sens dernier d’une oeuvre. Alors qu’en réalité, nous ne sortons jamais de l’espace ouvert, infini et indéterminé, de l’intertextualité. Pour proclamer la mort de l’auteur, Foucault s’autorisait d’un grand auteur, de Samuel Becket en l’occurrence, auteur de la formule en question. Mais il ne le mentionnait pas explicitement. Manière de pousser jusqu’au bout la destitution annoncée des auteurs ? Ou signe de la difficulté qu’il y a à se passer totalement d’eux au moment même où on les congédie ? Peu importe, en réalité. Ces subtilités ne sont plus les nôtres. La jubilation des théoriciens de la littérature à proclamer la « mort de l’auteur », selon la formule de Roland Barthes, est passée de mode. Aujourd’hui, on ne s’amuse plus à envisager la dissolution de la fonction auteur dans le sacro-saint « espace littéraire ». On s’inquiète de la disparition réelle de la littérature, des oeuvres et des auteurs dans les flux anonymes du réseau. Rétrospectivement, la mise à mort de l’auteur apparaît comme un jeu de l’esprit qui pouvait être poussé au plus loin, dans la mesure même où sa position réelle était soutenue par toute une armature matérielle, culturelle, économique et juridique. Dès lors que cette armature se dissout, la question de la mort de l’auteur prend un tour moins réjouissant. Quand l’intertextualité du réseau absorbe les oeuvres singulières, quand les droits d’auteur ne sont plus une évidence, quand chacun devient son propre éditeur… bref quand on passe de la déconstruction symbolique de l’auteur à sa dissolution réelle dans les flux virtuels, on en vient à se demander si la grande tâche de notre temps n’est pas, au rebours de celle des années 60, de réarmer philosophiquement, juridiquement, économiquement, la fonction auteur dont on avait cru pouvoir se passer. C’est l’interrogation qui sera au coeur de notre table ronde. Et pour laquelle nous avons convié des auteurs, des éditeurs et des critiques. Pour l’ouvrir, je souhaiterais demander à chacun des intervenants, avant de formuler un jugement sur l’avenir de la notion d’auteur, de nous livrer son expérience singulière, comme écrivain, comme essayiste, comme critique, comme éditeur. Qu’est-ce que pour chacun d’entre vous un auteur aujourd’hui ? Quelle expérience faites-vous du numérique ? Change-t-il votre pratique de l’écriture, votre attention aux textes, les modalités de votre intervention dans l’espace littéraire ?
Gilles Leroy
Sur un plan pratique, j’arrive à garder une étanchéité entre ces deux univers, même s’il est parfois perturbant d’écrire une fiction tout en restant connecté, par exemple lorsqu’un signal indique qu’on cherche à vous joindre. Le débat m’intéresse car j’ai des doutes sur l’impact de la modification des moyens. Quand, dans une classe, je raconte mes débuts d’écrivain avec une machine à écrire, bien peu savent de quoi il s’agit, me donnant l’impression d’appartenir au jurassique supérieur. Mais je suis passé ensuite au traitement de texte - qui a représenté une vraie libération -, sans que cela modifie pour autant mon rapport à l’écriture, du moins j’en ai le sentiment sans pouvoir réellement l’affirmer… Rappelons qu’Internet est un choix parmi d’autres, qui sert d’ailleurs souvent moins au travail qu’à l’amusement.
Martin Legros
Sylvie Gracia, vous avez écrit un livre élaboré à partir de votre expérience sur Facebook…
Sylvie Gracia
En fait j’ai commencé par m’inscrire sur Facebook car mes filles adolescentes y passaient des heures et j’en étais curieuse, puis j’en suis devenue une utilisatrice comme tout le monde. Et je me suis rapidement surprise à publier régulièrement des photos prises avec mon téléphone portable. Il faut savoir que le numérique a permis un grand développement de la pratique photographique sur les réseaux, parallèlement au développement de l’écriture, avec une sorte de renaissance du rapport image/texte. Ma posture d’auteur a fait de ma pratique intensive une expérience littéraire, les légendes sur deux lignes accompagnant les photos devenant des textes allant jusqu’à huit mille signes. Diffuser de l’intime sur le réseau devenait une nouvelle expérience littéraire, m’apportant une liberté extraordinaire. Nous étions en 2010, j’avais publié mon dernier livre plus d’un an auparavant, et j’avais l’impression d’être arrivée au bout d’un cheminement dans la pratique éditoriale traditionnelle, avec ses étapes classiques : travail sur un texte pendant deux ou trois ans, publication, attente des critiques… Cette pratique nouvelle, cette forme d’écriture nouvelle m’ont apporté une énergie extraordinaire, manifestation des réelles modifications apportées dans le rapport au réseau.
Martin Legros
Claro, vous êtes aussi un acteur littéraire sur le Web à travers votre blog. La position de l’auteur vous semble-t-elle se modifier fondamentalement ou bien est-elle simplement en train de s’adapter à un nouvel espace ?
Claro
Il faut tout d’abord éviter de confondre le support, la connexion et les modalités d’expression via une connexion. Demander si l’ordinateur a changé quelque chose pour les auteurs, c’est un peu comme s’interroger sur l’impact de l’arrivée de l’électricité dans notre vie quotidienne. Mais le support peut changer sans pour autant que j’arrête d’écrire : si le traitement de texte tombe en panne j’utiliserai du papier ! Pour ce qui est de la connexion, cela change surtout la pratique de l’écrivain dans ses recherches, mais cela entraîne aussi des pratiques différentes, comme Facebook. D’ailleurs je vais demander à tous ceux qui sont inscrits sur Facebook de bien vouloir lever la main… Cette forêt de mains levées dans la salle vient clore le débat. Concernant les nouvelles modalités d’expression, le fait d’être connecté permet à l’écrivain de participer à des revues en ligne, etc. Mais pourquoi écrit-on ? Certains le font pour se créer une identité, la plupart au contraire pour la dissoudre en laissant passer les forces du langage. Le paradoxe tient dans ce que ces pratiques nouvelles conduisent à une multiplication de l’identité. S’agit-il d’être décliné un peu partout via des avatars, en une pratique promotionnelle du Net, ou bien l’auteur peut-il embrasser ces pratiques nouvelles sans abdiquer pour autant les exigences d’écriture ? L’immédiateté de l’accessibilité du texte sur le Net est séduisante pour l’auteur, mais tout ce qu’il fait n’appelle pas nécessairement un commentaire. Et si certains auteurs comme Assouline comptent beaucoup de commentaires sur leur blog, je ne suis pas sûr qu’il trouve toujours grand intérêt à leur lecture. On peut faire transiter par Facebook le contenu d’un blog via un lien, mais sans appeler forcément plus de réactions, un texte de huit mille signes pouvant se trouver gratifié de quelques « like » dans les secondes suivant la mise en ligne, puis plus rien… La question est celle de l’intention : soit on est présent sur le Web pour des objectifs promotionnels, comme Bernard Werber, soit pour expérimenter d’autres techniques d’écriture. Au début, Facebook allouait 120 signes pour le statut, et cette contrainte me plaisait beaucoup. On peut aussi s’amuser en tant qu’écrivain sur Facebook, qui n’est pas réservé aux images de petits chats !
Martin Legros
Guénaël Boutouillet, vous êtes auteur et critique : rencontrez-vous de nouveaux auteurs, de nouveaux formats de textes, par exemple téléchargeables avec du son, de la vidéo, ou bien restent-ils encore de facture classique ?
Guénaël Boutouillet
Je suis devenu auteur et critique par le Web. Or le Web est devenu une instance de validation symbolique, parfois très exigeante, qui permet d’acquérir une légitimité à publier quelque chose, justement parce que l’on y est entouré et coopté par des gens exigeants. Cela étant, l’agora globale du Web me semble tout autant positive, c’est juste de la démocratie. Elle ne dévalue pas les textes littéraires de qualité. Concernant les nouveaux formats de textes, sans doute peut-on observer le développement de textes courts dont la forme a un rapport avec la production de billets sur les blogs, une forme qui est un peu ambiguë dans sa définition propre, entre poésie et texte informatif. Ce n’est pas un nouvel état du texte, le fragment existant déjà auparavant, mais cela traduit un changement dans la spatialisation : on pense moins en termes de page ou de livre. Parmi les changements en cours, il me semble important de souligner que l’existence même des revues littéraires est menacée, alors qu’elles ont toujours joué un rôle majeur dans la création littéraire. étant les dernières roues du carrosse, tout comme la poésie, les revues sont frappées encore plus rudement par la crise économique notamment ; c’est pourquoi le Web est devenu un relais essentiel, de surcroît temporellement pérenne. On associe souvent le Web strictement à un flux, mais c’est un lieu de ressources accessible en permanence, via divers sites tels remue.net, où on donne à lire de la poésie contemporaine.
Martin Legros
Guillaume Teisseire, vous qui êtes plutôt du côté des lecteurs, quels nouveaux rapports nouent-ils avec l’auteur, par exemple via babelio.com ? Guillaume Teisseire Le principe de notre site est le suivant : une communauté de lecteurs catalogue et critique les livres qu’ils ont lus, chacun pouvant aller visiter les bibliothèques des uns et des autres. Pour être précis, sans doute faudrait-il dire que les lecteurs donnent un avis sur leurs lectures, dans le sens où babelio ne fait que reproduire un phénomène classique, le conseil de pair à pair, appelé aussi bouche-à-oreille… Ici, soixante mille lecteurs provenant du monde entier sont réunis et il devient d’autant plus aisé d’y trouver des lecteurs de même sensibilité, le site étant conçu pour faciliter les échanges. Nos membres lecteurs n’ont d’ailleurs pas le sentiment de faire de la critique classique, ni de se substituer à la recommandation des prescripteurs traditionnels que sont la presse, les libraires ou les bibliothécaires. La manière dont ils écrivent se distingue aussi de la critique classique, leur propos consistant d’abord à donner des impressions de lecture.
Gilles Leroy
La critique sur Internet est un sujet brûlant pour les auteurs : il est compliqué de subir des critiques parfois incendiaires de la part de gens que l’on ne peut identifier et dont les motivations sont troubles. J’irai jusqu’à dire que cela peut s’apparenter à une violence. J’ai fait un jour une bêtise que je ne recommencerai jamais : j’ai installé une alerte Google à l’occasion de la sortie d’un livre, avec mon nom et le titre du roman, mais j’ai dû annuler car quasiment toutes les minutes je recevais des avis de bloggeurs ! Fait amusant, sur un blog, j’ai été noté 2 sur 5, derrière Gavalda (5/5) et Musso (4/5), mais quand même devant Tolstoï (Anna Karenine, « roman mal écrit, mal construit », 1/5) !
Martin Legros
Je suis surpris par la sérénité des interventions des uns et des autres. à vous entendre, Internet et le numérique ne bouleverseraient pas fondamentalement l’espace littéraire. Certes, il transforme l’économie du livre, il démultiplie l’accès, démocratise la position de l’auteur. Mais sur le fond, il laisserait intact notre rapport aux oeuvres, aux auteurs et à l’écriture. Permettez-moi de bousculer un peu cette sérénité. à suivre de bons esprits, la révolution numérique est autrement profonde. Elle constitue même la troisième révolution du signe dans l’histoire de l’humanité, après l’invention de l’écriture il y a 5000 ans et l’invention de l’imprimerie il y a 500 ans. Cette révolution ne modifie pas seulement l’accès, elle bouleverse la nature même de l’attention et de la concentration, de la mémoire et de la pensée, de la création et de la transmission. Quand le numérique se sera généralisé, soutiennent certains, nous n’écrirons, ne lirons, ne mémoriserons, n’apprendrons, ne penserons plus comme avant. Comment imaginer que cela ne modifie pas l’idée même que nous nous faisons de l’auteur ? Pour mettre à l’épreuve de cette hypothèse votre étonnante sérénité, permettez-moi de vous soumettre trois exemples contemporains, trois situations, qui suggèrent que les choses changent profondément. Premier exemple, celui de l’écrivain américain Philip Roth, qui s’est trouvé tout récemment dans l’impossibilité de faire reconnaître sur Internet son identité d’auteur. Après avoir constaté qu’il y avait une erreur très dommageable concernant sa biographie sur la page qui lui était consacrée sur Wikipedia, Philip Roth a interpellé Wikipedia publiquement. Il lui a alors été répondu qu’il n’appartenait pas aux auteurs de se définir euxmêmes sur Internet. Compréhensif, Roth a mobilisé son biographe officiel pour qu’il intervienne directement auprès de Wikipedia, lequel a rétorqué en substance : « Qui me dit que vous êtes bien le biographe en question ? » Or, il est vrai qu’Internet est un espace où les identités ne peuvent pas être autorisées (seuls les états ont autorité ultimement pour attester l’identité des individus ; les réintroduire, c’est faire disparaître immédiatement l’espace Internet qui n’existe que comme espace ouvert, anarchique et non étatique). Bref, la petite mésaventure de Roth nous enseigne qu’il est difficile pour un auteur de faire reconnaître son autorité sur le Net. Deuxième exemple, du côté de l’éditeur : connaissez-vous jepublie.net ? C’est un nouvel éditeur « numérique » qui propose d’éditer à la commande des livres composés sur le sujet de votre choix, à partir de l’ensemble des ressources disponibles sur Internet sur le sujet en question. Ce livre virtuel, qui n’existe qu’à partir du moment où vous en passez commande, est un livre sans auteur dont chacun de nous peut être l’éditeur. étrange situation, vous en conviendrez, qui atteste que l’édition numérique bouleverse la nature même de l’édition. Troisième exemple, enfin. Du côté de la création, cette fois. Vient de paraître en effet un ouvrage qui est peut-être le premier best-seller numérique et mondial. Il s’agit de Fifty shades of Grey, de l’écrivain britannique E.L. James, roman doucement sado-masochiste qui a séduit des dizaines de millions de ménagères américaines avant de débarquer en Europe. Et qui a originellement été écrit sur et pour Internet. Ne croyez-vous pas que ces trois exemples attestent que les choses bougent pour l’auteur que ce soit dans son statut numérique, dans son rapport à l’édition, ou dans son rapport à la création numérique ? Et n’y a-t-il pas là quelques motifs d’inquiétude ?
Guénaël Boutouillet
J’observe que les exemples que vous nous proposez sont tous reproductibles dans le « monde réel ». La gondole de supermarché est tout aussi dangereuse qu’une recommandation Internet, qui ne détient pas le monopole du bouche-à-oreille ou de la rumeur… Dès lors que nous entrons dans des considérations qui touchent au commercial, il faut avancer prudemment. Ainsi, quels que soient ses défauts, il est certain que le système de recommandation de Wikipedia est plus vertueux que celui d’Amazon.
Gilles Leroy
L’histoire de Philip Roth me paraît confuse. Une page m’est consacrée sur Wikipedia - sans que j’en aie fait la demande - et j’ai pu y corriger quelques détails très facilement.
Martin Legros
En réalité, c’est très volontairement que Philip Roth n’a pas voulu rentrer dans le système Wikipedia pour « bidouiller » sa propre biographie. La question qu’il pose n’est pas une question technique (comment intervenir sur sa propre page Wikipedia pour la modifier ?) mais une question symbolique (comment se faire reconnaître comme auteur dans l’espace virtuel du numérique ?). Et tout l’intérêt de cet épisode tient dans la question subsidiaire qu’il pose : dans l’environnement numérique, quels sont les processus de validation et d’autorisation nouveaux grâce auxquels un auteur peut se faire reconnaître publiquement, sans en passer par la voie classique et ancienne de l’éditeur ? Enfin, au-delà de l’espace littéraire, c’est une question plus générale sur l’autorité à l’âge numérique. Aujourd’hui Wikipedia, est la première source d’autorité pour tous les étudiants et pour tous les internautes, petits et grands ! Cela représente un formidable défi pour toutes les autorités. Demandez donc aux professeurs s’ils n’ont pas quelques problèmes avec la « fonction auteur » aujourd’hui, lorsqu’ils se retrouvent avec des textes signés de leurs élèves qui sont en réalité des compilations pures et simples de Wikipedia…
Gilles Leroy
Il appartient aux professeurs d’attirer l’attention des élèves sur les risques qu’il y a d’utiliser exclusivement Wikipedia. Avant le numérique, on trouvait déjà une source qui promettait des informations sur tout, le Quid, dont on sait que beaucoup étaient fausses !
Claro
Vous abordez des questions très différentes. Concernant Wikipedia, il est tout de même beaucoup plus facile d’y modifier une information que de faire pilonner une encyclopédie. Le grand dictionnaire universel de Pierre Larousse, référent pour beaucoup, n’était pas exempt d’inexactitudes. Sans doute à l’époque, les lecteurs étaient-ils capables de rectifier d’eux-mêmes lorsqu’ils y lisaient : « Bonaparte, homme politique français mort en 1802 »… Que Philip Roth n’ait pas su modifier sa page n’est en soi pas très important. Il ne faut pas confondre lecture sur Internet et écriture sur Internet.Guénaël Boutouillet a parlé de démocratie tout à l’heure, ce qui est exact pour les lecteurs dans la mesure où un texte tout à coup devient accessible à tout le monde. Mais cette accessibilité potentielle ne résout pas le problème de savoir comment accéder à la bonne page : si demain je mets en ligne un texte, il ne sera pas lu par sept milliards d’humains. Il convient par exemple de prévoir des mots-clés. Par curiosité scientifique, j’ai un jour, dans mon blog consacré à Beckett, inclus les termes « cul », « bite », « Britney Spears », et j’ai tout de suite constaté une augmentation du nombre de lecteurs… Certes, un certain nombre d’entre eux ne sont restés qu’une seconde sur ma page. Mais pas tous ! Concernant babelio, vous nous dites qu’il s’agit d’une communauté de lecteurs. Mais ce ne sont pas de simples lecteurs, puisqu’ils écrivent. Ils écrivent des critiques : ils sont donc des critiques. Et la comparaison avec les critiques « officiels », par exemple de la presse écrite, ne tournera pas forcément en leur défaveur. Il me semble que la vraie différence est d’ordre économique : il y a d’un côté des gens payés pour être mauvais, de l’autre des gens que l’on fait travailler gratuitement… L’écriture n’a rien de démocratique, ce n’est pas parce qu’on vendra davantage que l’on fera avancer plus l’humanité. L’auteur est en demande de lecteurs plus que de ventes. On nous dit aussi qu’avec Internet tout le monde peut écrire. Il me semble que c’était déjà le cas auparavant ! Et cela ne change rien quant à la qualité de ce que les gens produisent.
Gilles Leroy
Sans être paranoïaque, il y a aussi, avec les blogs, un risque de manipulation de la part des grandes maisons d’édition.
Guillaume Teisseire
Sur babelio, les seuls abus constatés pour l’instant concernent plutôt les auteurs, dont certains n’hésitent pas à publier des critiques favorables à leur propre livre… Internet a quand même grandement facilité la publication, avec des plateformes qui accueillent de nombreux écrivains en herbe. Mais ces abus restent heureusement assez rares.
Martin Legros
Sylvie Gracia, vous avez évoqué cette possibilité nouvelle de contact direct avec les lecteurs, et l’on a parlé en introduction de toute cette tradition qui voyait l’auteur comme quelqu’un qui s’absente de son oeuvre. Diriez-vous que l’espace numérique est un environnement où les auteurs retrouvent une présence différente à l’écriture mais aussi avec leur public ?
Sylvie Gracia
C’est vrai, et c’est autant intéressant que dangereux pour l’auteur, avec cette connexion permanente qui peut prendre la forme d’une addiction. J’ai pleinement joué ce jeu, au point qu’il m’arrivait d’écrire en direct sur l’écran Facebook avec la possibilité qu’un lecteur vienne commenter le processus d’écriture, à l’opposé de la posture traditionnelle de l’écrivain dans sa tour d’ivoire, avec un texte livré seulement après avoir été définitivement arrêté et validé par une instance tierce qu’est l’éditeur. L’intérêt de cette expérience a particulièrement résidé dans l’éclatement de toutes les structures de médiation entre l’auteur et le lecteur. Je précise que ce n’est pas parce qu’on écrit sur le réseau qu’on a forcément une écriture bâclée… Après sa validation par mes soins, je mettais en ligne un texte plusieurs fois par semaine, en une sorte de feuilleton suivi par toute une communauté de lecteurs. J’ai la faiblesse de penser que cette communauté était réelle, constituée par des lecteurs intervenant régulièrement. Ce texte fragmentaire, rédigé tout au long d’une année, produit un type de lecture particulier. Une fois le livre imprimé, il a pris une autre dimension si l’on en croit les commentaires de ceux qui l’avaient lu préalablement en ligne. L’écriture numérique se distingue donc de l’écriture traditionnelle, de même que le type de textes produits et l’expérience de lecture sur le réseau. Matériellement, mon Livre des visages se donnait via une photo (il y avait sur mon mur Facebook environ 200 photos dont chacune donnait accès à un fragment de texte). Il faut explorer ces nouvelles possibilités offertes, sachant que les réseaux vont bouleverser de nombreuses choses, à commencer par les pratiques traditionnelles de publication. Comment vont lire les lecteurs de demain ? Quels seront les contours de ce renouveau du rapport à la lecture et à l’écriture ? Telles sont les questions qui se posent à moi aujourd’hui en tant qu’auteur.
Martin Legros
Pour la littérature, Internet est donc à la fois un espace d’accessibilité approfondie et un espace du repentir, dans la mesure où les auteurs peuvent y revenir grâce à ce lien toujours maintenu avec leur création.
Guénaël Boutouillet
En effet, cette fonction éditoriale de l’auteur est une nouveauté très intéressante permise par le réseau. La littérature m’importe, et il m’importe que la littérature se saisisse du Web et des réseaux. Il faut y aller, cela fait partie de notre monde. Cette nécessité implique que nous aidions les auteurs à le faire. J’ai ainsi publié l’an dernier pendant trois mois un feuilleton hebdomadaire poétique d’André Markowicz sur remue.net, et il a fallu travailler avec un codeur pour réfléchir aux façons de mettre de la poésie sur la page en fonction des besoins éditoriaux. Chacun comprend que la fonction de traducteur de Markowicz implique d’être aussi auteur, mais il y avait là une prise de risque quant à la modification de son statut. Rendre ses poèmes accessibles en ligne revenait d’une certaine façon à ouvrir l’atelier de l’écrivain, ce d’une façon pérenne. Sachant que, si demain, André veut retirer ses poèmes, exerçant ainsi son droit au repentir, cela ne posera aucune difficulté. Pour se faire une idée de ce que peut être l’écriture sur Internet, on peut encore ouvrir le Tiers Livre de François Bon, ou se rendre sur le site de Benoît Vincent (http://amboilati.org/) pour voir de la littérature en train de se faire. Ces derniers mois, j’ai été heureux de pousser Arno Bertina à ouvrir un blog pendant sa résidence à Chambord, constatant la faible présence de ses textes sur Internet hormis sur Facebook. C’est un écrivain qui réfléchit beaucoup sur le processus d’écriture et je savais que ses textes seraient de qualité. Lui-même a pris des risques ce faisant, avec ces réflexions publiées en chemin et qui ne trouveraient pas leur place ni leur formulation immédiate dans l’espace du livre, d’où l’importance de garantir ce droit de correction et d’amendement.
Martin Legros
Claro, votre pratique du blog diffère-t-elle de celle de Guénaël Boutouillet, qui est presque un éditeur ? Internet représente à la fois un nouvel espace de médiation et cet accès préservé d’une immédiateté à travers le blog. Ce sont là deux usages différents me semble-t-il, selon la pratique des auteurs, avec d’une part des textes très fabriqués passant par la médiation d’un éditeur numérique, et d’autre part une adresse directe de l’auteur à un public virtuel.
Claro
La question de la présence de l’auteur sur Internet n’est pas simple. Je n’ai jamais vraiment voulu publier dans la presse écrite ; j’ai ouvert un blog sans théoriser et c’est finalement la pratique du blog qui a fait prendre figure au blog. Il a fallu pour le rendre pérenne l’alimenter régulièrement, ne pas abaisser ses exigences d’écriture, limiter les critiques négatives pour se consacrer plutôt aux critiques positives sur des livres bénéficiant d’une moindre visibilité, etc. Concernant la disponibilité des textes des écrivains, on constate que le désir de mettre des choses en ligne, comme pour aller à la pêche aux lecteurs, cache souvent une frustration chez ceux qui n’ont pas accédé au statut d’écrivain publié sur livre papier. Pourtant, ce n’est pas ce qui viendra multiplier le lectorat… D’où le risque de surenchère : tout le monde peut écrire, peut vouloir exister en publiant régulièrement, mais reste à savoir générer des intérêts rhizomiques sur le réseau, où il est facile de se perdre.
Martin Legros
Babelio duplique une partie de l’espace critique classique, mais traite aussi de formats très peu abordés par cette dernière, comme la science-fiction, le polar ou la bande dessinée…
Guillaume Teisseire
Ces formes littéraires sont en effet quasiment ignorées par la critique, sachant par ailleurs que la presse écrite voit la pagination consacrée à la critique littéraire se réduire comme peau de chagrin. Babelio propose nombre de critiques concernant cette littérature de genre, et ses 65 000 lecteurs permettent de trouver des experts sur des problématiques très pointues. D’ailleurs, plusieurs maisons d’édition nous confient des livres afin que nos lecteurs puissent en faire une critique, une critique entièrement libre que le lecteur s’engage à produire dans le mois suivant la réception du livre. Je me souviens de ce recueil de prières de frères chartreux confié par les éditions Seuil, qui furent ravies de constater qu’un de nos 65 000 lecteurs était une universitaire spécialiste des religions. Une telle critique n’aurait pu être produite dans la presse.
Martin Legros
J’invite maintenant ceux qui le souhaitent à poser des questions aux participants de cette table ronde.
Isabelle Cousteil
On a l’impression d’avoir découvert avec Internet le fait d’écrire pratiquement en temps réel. Or, il y a près de deux siècles, les écrivains publiaient tous les jours un épisode d’un feuilleton. N’étaient-ils pas déjà dans un environnement de fragmentation, d’immédiateté et de contact étroit avec le lectorat ?
Gilles Leroy
C’est là qu’une revue numérique comme remue.net vient combler un vide. Aujourd’hui, il n’y a plus de feuilletons littéraires dans les journaux…
Isabelle Cousteil
En termes de démarche d’écriture, il me semble que l’on ne fait que revivifier autrement des pratiques anciennes. De fait, les revues littéraires ne sont plus sur papier mais sur Internet, de même pour la poésie. C’est un nouveau support dont on se saisit pour faire en sorte que la littérature reste présente. C’est à mon sens l’enjeu principal des prochaines années.
Guénaël Boutouillet
Parlant du marché de la poésie, Antoine Emaz disait très bien qu’elle ne suscitait même plus d’entrefilet dans Le Monde… Aujourd’hui, pour la poésie, le choix n’est pas entre Internet et autre chose : c’est Internet ou rien. Nous sommes dans une phase de transition mais une chose est certaine : il faut y aller.
Philippe Aigrin
Je voudrais m’adresser à Claro, qui essayait de catégoriser les pratiques d’expression sur Internet avec me semble-t-il un discours un peu sceptique à l’égard d’une sorte d’expressionisme de gens qui n’auraient pas trouvé leur identité dans la pure écriture. Est-ce fondé sur une vision dynamique ? Quand une page Wikipedia se crée, il y a peu de choses au départ, ce qui compte est ce qu’elle va devenir. Finalement, lorsqu’on constate un début d’effort d’écriture littéraire sur un blog, la vraie question n’est-elle pas de savoir s’il y a là l’enclenchement d’un processus de développement ?
Claro
Pour ce qui est de la critique sur Internet, une fois évacuée la question de la qualité qui se pose aussi pour la presse écrite, le principal avantage du numérique est la taille de l’article, qui n’est soumise à aucune restriction. Une vraie analyse d’un livre prend un certain espace, auquel la presse écrite a renoncé. Le lecteur, délivré du format de la page, ignore au départ la longueur du texte qu’il va découvrir en scrollant. Le piège est que les gens n’ont pas encore une pratique de l’écran chevronnée et qu’ils n’ont pas forcément envie d’y lire 20000 signes.
Sylvie Ducas, université Paris Ouest.
Devant l’enthousiasme manifesté par Sylvie Gracia devant son expérience Facebookienne, je me demandais pourquoi cette publication papier du texte.
Sylvie Gracia
C’était en quelque sorte une concession, dans cette période de transition. Car la légitimité de l’auteur tient encore à la publication du livre. J’écris traditionnellement depuis quinze ans chez des éditeurs légitimes, et le passage à la page imprimée m’a semblé naturel dans la mesure où le numérique reste un espace d’expérimentation.
Sylvie Ducas
Cela rejoint alors l’expérience d’un Eric Chevillard, qui avec son blog autofictif revendique la publication de livres. L’espace Internet ne serait pas là pour annuler la chaîne du livre ni le livre, l’expérience en ligne ayant pour fin le livre.
Claro
Je ne crois pas que l’objectif de Chevillard était de faire un livre. C’est l’éditeur qui a fait la démarche de le lui proposer. Je me permets cette précision car j’en parlais hier avec lui…
Sylvie Ducas
Pourtant, des textes signés de lui disent le contraire.
Gilles Leroy
Quoi qu’il en soit, cela ressort du feuilleton : je lisais tous les jours son blog, et ensuite j’ai acheté le livre papier. J’adore son écriture, mais je n’y ai rien ressenti de nouveau venant de cette « zone d’expérimentation ».
Mireille Durand
Je suis auteur de romans d’aventures édités il y a fort longtemps, et j’ai un blog sur lequel je poste des critiques sur une volumineuse bibliothèque familiale. Je ne me sens pas auteur au sens où c’est un blog entièrement gratuit, par lequel je ne recherche aucune reconnaissance. Car le statut d’auteur passe toujours par l’édition classique, qui assure la rémunération de l’écrivain. Il y a d’autres manières d’être rémunéré dans d’autres pays, mais l’identité de l’auteur reste très figée en France, dans le cadre unique d’un contrat d’édition. Bien qu’ayant déjà publié des romans, je ne suis ainsi plus considérée comme auteur depuis que je publie sur Internet.
Martin Legros
Internet peut-il devenir une instance de légitimation de l’auteur au même titre que l’édition classique ?
Guénaël Boutouillet
Il est difficile de répondre à cette question dès lors qu’on n’est pas un auteur en quête de légitimité. Dans une idée d’éducation populaire, il m’intéresse davantage de partager l’écriture dans une certaine exigence. Il me semble toutefois que les instances de légitimation évoluent. Prenons l’exemple de publie.net, maison d’édition coopérative montée par François Bon, très présente sur le Web littéraire. Un de ses auteurs, Daniel Bourrion, a publié en revue puis uniquement en numérique sur publie.net. Paradoxe : son écriture n’est pas hypertextuelle au sens littéral, le texte ne comportant aucun insert d’aucune sorte, mais son existence d’auteur est entièrement numérique. Il en résulte que cet auteur de qualité est invisible.
Claro
Il faudrait qu’on m’explique ce qu’est cette fameuse légitimité. On n’écrit pas pour avoir une légitimité ! Quoi qu’il en soit, l’édition papier ne donne pas une visibilité plus grande. Sachons dépasser ce fantasme douteux d’avoir un livre tiré à 800 exemplaires, dont 200 mis en place et 40 vendus, avant de disparaître au pilon deux mois plus tard…
Mireille Durand
Le problème de la légitimité existe néanmoins. De nombreux auteurs potentiels m’envoient des textes pour les publier sur mon blog, s’inquiétant de leur rémunération ou de leur reconnaissance, et il est vrai que je suis moins crédible vis-à-vis d’eux que si je les présentais à mon ancien éditeur. L’identité de l’auteur, quelle que soit la qualité de ses textes, reste figée en France dans ses anciens critères.
Eugène Michel, écrivain
Il ne faut pas oublier la concurrence des langues sur Internet : les auteurs de la francophonie, amoureux de la littérature et de la langue française, se doivent d’investir le Web. Quand on a inventé l’imprimerie, certains ont considéré que c’était courir à la catastrophe, la moindre erreur étant reproduite des millions de fois. Sauf que la copie manuelle était davantage source d’erreurs… Cela étant, on peut trouver éditée en poche une biographie de la poétesse Marceline Desbordes-Valmore, biographie qui est fausse. Le papier fige beaucoup plus gravement les erreurs aujourd’hui, surtout venant d’un éditeur officiel, tandis que le numérique est facilement susceptible d’être corrigé. J’ai par exemple visité la page Wikipedia du chanteur Jean-Louis Aubert, avec qui j’étais au lycée, et j’ai pu corriger sa biographie qui indiquait par erreur un autre établissement…
Dominique Lebrun, secrétaire de la SGDL
Je voudrais simplement rappeler qu’il existe plusieurs acceptions au terme d’auteur. Socialement, est auteur celui qui vit de sa plume, avec un revenu minimum de droits d’auteur donnant accès à l’AGESSA, sécurité sociale des auteurs. Juridiquement, un auteur est celui qui a signé un contrat d’édition correspondant au code de la propriété intellectuelle. Il y a encore bien d’autres définitions possibles, mais celles que j’ai citées, qui sont souvent au coeur de la recherche de légitimité, n’ont que peu à voir avec la littérature, avec la qualité d’écriture.
Martin Legros
Y a-t-il sur Internet une perspective de rémunération des auteurs, alors qu’il reste considéré comme un espace de gratuité ?
Claro
De toute façon, quand un éditeur classique me donne 50 00 euros pour un travail qui m’a pris trois ans, j’ai l’impression d’être dans un espace de gratuité…
Guénaël Boutouillet
La revue a fonctionné pendant dix ans sur des fonds strictement associatifs. Nous ne sommes pas payés mais recevons quelques subventions pour des travaux que nous réalisons pour la région Ile-de-France. Notre investissement est donc bénévole, ce que l’on pourrait déplorer si l’on s’abstenait de comparer avec la situation de la critique littéraire dans la presse. Le Web nous garantit au moins une forme d’indépendance, sachant que personne n’est complètement vierge d’influences. Publie.net me semble être un dispositif expérimental intéressant pour réfléchir sur la rémunération des textes mis en circulation sur le Web.
Marlène Duteil
Claro disait qu’un blog permet à un auteur d’entrer en relation avec ses lecteurs, puisque chaque billet peut être suivi d’un commentaire. Mais pensez-vous qu’il peut y avoir sur Internet de vraies conversations intéressantes entre auteurs et lecteurs ?
Claro
Cela dépend de la modération des commentaires. Et puis cet espace d’écriture dédié au commentaire n’est pas forcément là pour générer du débat. Cela dépend aussi du blog : vous aurez beaucoup plus de réactions si vous faites un billet polémique plutôt qu’une critique de Chevillard par exemple. Mais toute critique n’appelle pas forcément un commentaire, ce qui ne l’empêche pas d’être lue.
Guénaël Boutouillet
Structurellement, le réseau social a relayé une partie de cette fonction de commentaire, de bavardage.
Gilles Leroy
Pour avoir une vraie discussion, il faut un peu connaître son interlocuteur. C’est tout le problème avec Internet : on converse avec un inconnu dont il est difficile d’évaluer le degré de sincérité, sans parler de l’étonnante agressivité qui peut s’y déployer.
Guénaël Boutouillet
J’ai longtemps travaillé en atelier d’écriture avec des personnes qui avaient le fantasme de voir leur manuscrit publié chez Gallimard, mais qui n’était publiable nulle part, même chez Gallimard… La frustration de ne pas atteindre ce statut convoité de l’écrivain peut expliquer pour partie l’agressivité que l’on peut retrouver dans certains commentaires. L’agression de la figure publique de l’auteur existait déjà avant Internet ! Par ailleurs, certains espaces ne se prêtent pas au commentaire, comme parfois en poésie.
Philippe Aigrain
Il y a de vraies conversations entre auteurs de blogs littéraires. C’est une conversation quotidienne, permanente, entre des gens qui ne se connaissent pas forcément physiquement. Je ne crois pas que parler avec quelqu’un dans cette salle me permettrait de le connaître mieux que si c’était par Internet. Pour en revenir au sujet de cette table ronde, qui est l’identité de l’auteur sur Internet, s’agit-il de court-circuiter la question de la légitimité en faveur de celle de la reconnaissance ? Le cas de Daniel Bourrion est intéressant puisqu’il a posé sa candidature à un soutien du CNL pour une résidence d’auteur et on lui a répondu par la négative car l’une des conditions était d’avoir publié à compte d’éditeur un livre initialement imprimé à au moins 500 exemplaires...
Marie Causse, traductrice, auteur, blogueuse
Par rapport à cette question de la légitimité, j’ai commencé à écrire un premier blog de fiction, puis un deuxième, et puis j’ai été publiée par Gallimard… Ceux qui ne lisaient pas mon blog ont pu lire le livre, mais au-delà je pouvais avec ce livre prétendre à des résidences d’auteur, à des aides, après avoir été ainsi adoubée par un éditeur. Cela étant, cela ne m’a pas rapporté un centime et c’est mon travail de traductrice qui me permet de vivre de mes droits d’auteur. Je lis beaucoup sur Internet, où s’expriment de nombreux auteurs qui à mon sens devraient être publiés. D’où l’intérêt de cette question de la légitimité. Les lecteurs sont-ils par ailleurs légitimes pour donner un avis sur un livre ? Un auteur sur Internet, qui écrit bien, qui est lu et qui a un projet intéressant, devrait pouvoir bénéficier des attentions d’une commission au CNL, qui puisse allouer des aides à ces auteurs qui travaillent dans la gratuité.
Martin Legros
Cette table ronde s’achève sur cette proposition. Merci de votre attention et merci à tous les intervenants.