La protection du titre
La protection du titre d'une œuvre bénéficie d'un régime peu connu ; pourtant, le titre d'un ouvrage est très important puisque c'est lui qui va identifier l'œuvre.
Alors comment est protégé un titre ?
On peut étudier ce sujet sous différents axes :
- le titre est tout d'abord une œuvre à part entière,
- ensuite, il peut bénéficier d'une protection par le droit d'auteur, sous conditions que nous allons examiner,
- et au-delà, si le droit d'auteur ne peut pas s'appliquer, sa protection peut passer par d'autres fondements juridiques.
Le titre d'une œuvre est protégé à part entière. Un article du Code de la Propriété Intellectuelle lui est même consacré. Il est très clair « Le titre d'une œuvre de l'esprit, dès lors qu'il présente un caractère original, est protégé comme l'œuvre elle-même ». Nous sommes donc dans la protection classique par le droit d'auteur, avec la notion d'originalité
Mais le législateur, en 1957, était allé encore plus loin, puisque dans le second alinéa de ce même article, il avait prévu la possibilité, concernant les titres tombés dans le domaine public, de pouvoir agir sur le fondement de la concurrence déloyale. C'est-à-dire que nul ne peut utiliser un titre pour une œuvre d'un genre identique dans des conditions susceptibles de créer une confusion avec l'œuvre du titre déjà existant.
La loi elle-même s'est donc attachée à éviter tout problème en donnant deux fondements distincts pour pouvoir agir en cas de reprise d'un titre identique.
Comment déterminer si un titre est original ?
C'est une notion très subjective et en cas de conflits, seul un juge aura le pouvoir de trancher; c'est la fameuse appréciation des juges du fond.
Si on examine la jurisprudence, il est difficile de s'attacher à des critères, car elle est parfois contradictoire. L'idée est que la combinaison des mots doit être particulière, non évidente, et ne pas être issue du langage courant.
Le mieux est encore de donner des exemples de décisions de justice :
- ont été reconnu comme des titres originaux : « les Hauts de Hurlevent », dans le cadre de la traduction du roman d'Emilie Brontë; le titre « Paris pas cher », parce que l'originalité s'apprécie au jour de sa création ; ou encore « Le Père Noël est une ordure », pour lequel le juge s'était attaché à expliquer que la réunion de l'expression « Père Noël » et du mot « ordure » apparaissait antinomique.
- à l'inverse, de nombreuses décisions refusent la protection par le droit d'auteur : pour des titres tels que « Il est 5 heures, Paris s'éveille » ; « La gagne » ; « Jeu de massacre »...etc. C'est-à-dire tout titre composé d'un seul mot du langage courant, ou bien d'expressions déjà utilisées.
A partir du moment où le titre est reconnu original, il va bénéficier des dispositions du Code de la Propriété Intellectuelle et personne ne pourra l'utiliser sans autorisation préalable de l'auteur ou de l'éditeur.
On peut noter qu'il est licite de s'inspirer du titre d'une œuvre. Par exemple, le titre « Des poissons et des hommes » peut servir à désigner un livre sur la pêche, car il ne crée pas de confusion avec le livre de John Steinbeck « Des souris et des hommes ».
Si le titre est original, l'auteur peut agir sur le fondement du droit d'auteur en cas d'utilisation non autorisée. Mais que se passe-t-il si le titre n'est pas original ?
Si le titre n'est pas reconnu comme original, l'auteur garde le moyen d'agir par le biais de l'action en concurrence déloyale. L'idée est la suivante : le consommateur penserait être en présence de la même œuvre, par confusion du titre, alors même que ce sont deux œuvres totalement distinctes. Lorsque le risque de confusion est trop important, deux œuvres ne peuvent pas porter le même titre.
Pour autant, l'éditeur et son auteur peuvent avoir des difficultés à déterminer si un titre est disponible ou non. Aucune base de données officielle ou exhaustive n'existe, à part éventuellement Electre. Or, entre la signature de contrat et la sortie du livre s'écoule souvent un long délai. Si un livre sort entre temps avec un titre identique, l'éditeur et l'auteur vont l'apprendre trop tard. D'où le système de retenues de titre que Livre Hebdo publie chaque semaine. Cette pratique ne garantit aucun droit de manière absolu, mais donne seulement un moyen de preuve supplémentaire au titulaire du droit en cas de problème, et surtout de procédure.
L'idée n'est pas nouvelle car la SGDL elle-même, du temps où elle était société de perception de droits, publiait dans sa Chronique chaque trimestre la liste des titres fournis par les auteurs. Nous avons par exemple retrouvé trace d'un titre retenu par Francis Carco dans la Chronique de la SGDL du 1er trimestre 1952. Il s'agissait du « Petit Jour ».
© Sgdl 2010 - Texte de la "La Minute de la SGDL" sur Web TV Culture - Mag Mars 2010