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Alain Absire, président de la SGDL

Que retenir de ce forum ? D'abord, les propos des auteurs, nos confrères. Ainsi, pour Belinda Cannone, le choix aura été de se forger une carrière universitaire, afin de s'autoriser à écrire seulement les livres dont elle avait vraiment envie, sans souci d'en vendre... cinquante, cinq cents ou cinq mille. Soit, mais quand on est déterminé à ne vivre que grâce à l'essentiel, comment assumer sa vocation ? Celle du créateur de livres, prêt à supporter l'aléatoire, pour donner libre cours à sa passion ?

La sociologue Nathalie Heinich constate pour sa part que nous sommes entrés dans une époque on l'on paye les gens pour ce qu'ils sont, et non pour ce qu'ils font... Voilà des propos auxquels ne souscrit pas Alain Bellet, Président de la Charte des Auteurs et des Illustrateurs Jeunesse, qui s'inscrit en faux contre ce qu'il nomme « la négritude sociale » des auteurs de livres, dépendants contractuellement de ceux qui gagnent de l'agent avec leur travail. Cet esprit de vocation de l'écrivain ne serait-il pas en effet un alibi pour ne pas rémunérer notre travail à son juste prix ? En tout état de cause, l'idée lancée ici de créer un collectif pour faire avancer nos droits, nos statuts et nos revenus, mérite d'être retenue.

Représentant le Centre National du Livre, dont elle est la Secrétaire Générale, Anne Miller parle de  « régulation » entre vocation et profession. D'où le système de bourses mis en place, dans le but d'offrir aux auteurs le temps de la création littéraire.
Florabelle Rouyer, du Bureau des auteurs du CNL, présente l'éventail de ces aides ponctuelles dont chaque auteur porteur d'un vrai projet d'écriture est en droit de solliciter l'attribution. Sur le terrain de ces revenus complémentaires, Donatella Saulnier met en avant le rôle de la Maison des écrivains, opérateur privilégié en charge d'entretenir les réseaux d'intervention des auteurs de livres au coeur de l'Éducation nationale et des principaux relais sociaux en France.

Pour Frédéric Young, représentant la SACD, société de perception et de redistribution de droits, il est urgent de clarifier les termes des échanges entre auteurs et éditeurs. Christian Roblin, Directeur Général de la Sofia, souligne quant à lui la fragilité de l'économie du livre, et celle du droit d'auteur qui en découle. Il insiste sur la nécessité de nous unir face à l'émergence des nouveaux droits, comme nous y sommes parvenus avec succès pour obtenir le droit de prêt en bibliothèque.

Devant un mode de rémunération qui écarte nombre d'auteurs de la vie sociale et économique, Bénédicte Malaurent, l'assistante sociale de la Société des Gens de Lettres assimile la liberté, politique, sociale et civile d'écrire à un droit de l'homme.
D'où la nécessité d'un programme de solidarité d'urgence, tel que celui que la Société des Gens de lettres et le Centre National du Livre gèrent désormais conjointement.

Thierry Dumas, rappelle que bénéficier de la sécurité sociale et du système de retraite de base de l'AGESSA, notre Caisse dont il est le Directeur Général, est le résultat d'un acte volontaire, sachant que le nouveau système de retraite complémentaire mis en place grâce au droit de prêt en bibliothèque en découle directement. À sa suite, Monsieur Georges Brevière, Président de l'IRCEC, rappelle que ce régime, qui prévoit la prise en charge de nos cotisations à hauteur de 50%, est aujourd'hui le plus avantageux de France...

Quelles résolutions prendre ?

Puisqu'il est ici question d'esprit de risque, de libre choix et de solidarité, il revient à chacun d'entre nous de se déterminer en toute connaissance de cause. Pour cela, il s'avère indispensable de rester en permanence informés sur les possibilités de revenus de base, de revenus complémentaires et de couverture sociale dont nous pouvons bénéficier.

Dans ce but, un triple devoir d'information, de vigilance et d'anticipation nous incombe.

1. INFORMATION : à propos de l'établissement des contrats d'édition et du versement des droits d'auteurs, la Société des Gens de Lettres met son service de conseil et d'aide juridique à la disposition de tous. De même, dans le domaine de la protection sociale, Bénédicte Malaurent assure en permanence un suivi de tous les écrivains en difficulté qui s'adressent à elle.

2. VIGILANCE : puisque nos revenus sont aléatoires, nous devons nous mobiliser pour en consolider toutes les sources, y compris celles d'entre eux qui, liées à des activités ponctuelles, sont complémentaires.

3. ANTICIPATION : face à l'évolution des nouveaux usages, dus en particulier à la numérisation des contenus, il nous revient d'assurer une fonction de veille et de vigilance pour éviter toute dérive dans l'application de nos droits moraux et patrimoniaux. Sachant que toute extension du concept de « gratuité universelle » pour l'accès et l'utilisation de l'oeuvre écrite amputerait encore nos revenus, et finirait de réduire à néant la liberté du choix d'écrire qui s'offre encore à certains d'entre nous, nous sommes résolus à redoubler ensemble d'imagination et de détermination.