NOUS SUIVRE

Avec Philippe Colombet, Directeur stratégie et développment, Google
Charles Kermarec, Directeur de la librairie Dialogue
François Maillot, Directeur de la librairie La Procure
Stéphane Michalon, Directeur, e-pagine
Thierry Pech, Directeur général, Le Seuil
Marie-Pierre Sangouard, Directrice du livre, Fnac
Modérateur : Alain Absire, Président de la SGDL

 

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Alain Absire
Avant une brève introduction, je voudrais présenter nos intervenants :

Philippe Colombet, « ambassadeur » de Google en France, à la tête du programme Google livres, a travaillé pendant dix ans chez Hachette Livres. Ancien chef de projet de la première encyclopédie numérique en français parue chez Hachette multimedia, il est également auteur du livre « Entreprises en révolution » chez JC Lattès. Merci de votre présence car c'est bien que Google s'exprime, ce qui est une première.

Thierry Pech, directeur général du Seuil et ancien secrétaire général de la République des idées, est auteur de plusieurs ouvrages dont « Rabelais », « Les multinationales du cœur, les Ong ».

Marie-Pierre Sangourad est directrice du livre à la Fnac depuis 2008 et ancienne directrice des éditions J'ai Lu.

Charles Kermarec est directeur de la librairie Dialogues, grande enseigne indépendante qui vend des livres numériques sur son site Internet et fonde sa propre maison d'édition, papier et numérique.

François Maillot est directeur de La Procure, la plus grande librairie religieuse sur Internet, plus 4 librairies à Paris, 2 en île de France, 21 en province, 2 en Italie, 1 en Suisse.

Stéphane Michalon, libraire pendant 16 ans entre autres chez Virgin Megastore et dans le groupe L'Arbalète, est fondateur de ePagine en 2008, prestataire de solutions be to be à destination des éditeurs et des libraires.

Pour introduire le débat, quelques remarques. Nous parlons beaucoup depuis hier de refondation de la chaîne des valeurs du livre, et des notions se dégagent dont celle d'offensivité, évoquée lors de mon dialogue avec Nathalie Kosciusko-Morizet.

Offensivité sur Internet, dans le changement radical d'environnement que nous vivons. Je suis convaincu que le problème se situe dans ce changement, la diffusion et la distribution le prennent en compte et la révolution numérique de l'auteur et du lecteur est bel et bien là, quand bien même aujourd'hui le numérique représente 1% du chiffre d'affaires de l'édition, ce qui ne veut sans doute pas dire grand chose. C'est la raison de ce forum, il est de notre devoir tous ensemble d'anticiper ce qui nous attend. Ce qui nous attend, c'est le surgissement radical de l'utilisateur et de là, une nouvelle configuration de l'action de la chaîne du livre, du marché, sachant que nous sommes tous demandeurs de régulation, idée fortement ressortie des débats d'hier. C'est le rôle de la Sgdl de dire que c'est ensemble que nous allons réussir, il n'y aura pas de réussite isolée, il nous appartient de capter ces flux de valeurs au profit de tous les acteurs de la chaîne.

Enfin, une actualité intense avec trois événements : Editis associé à Media Participations et d'autre groupes et éditeurs crée sa propre plateforme de diffusion numérique l'e-plate-forme, Amazon lance son lecteur Kindle en version mondiale et Google lance Google Editions, service de librairie en ligne, et tout cela en quarante huit heures !

Pour lancer le débat, il est intéressant de se pencher sur ces plateformes numériques et il y a quelques jours au CNL le ministre de la Culture s'est prononcé en faveur d'une plateforme unique. Quatre plateformes aujourd'hui : Eden-Livres, Editis avec e-plate-forme, Hachette avec Numilog et l'Harmattan (Harmathèque.com). A quoi correspond cet essor, à quels besoins, quelles nécessités ? Est-ce une bonne chose pour les lecteurs, les auteurs, les libraires ?

Thierry Pech
Rappelons d'abord que la plupart des grands groupes d'édition en France se sont battus pour garder une indépendance de distribution. C'est donc la suite de cette histoire. Et c'est dans l'intérêt de toute la chaîne des métiers avec lesquels ils travaillent. Si ces plateformes arrivent à travailler ensemble, il n'y aura pas de problème. A qui leur multiplicité pourrait-elle causer des difficultés ? Aux libraires, tout d'abord. Mais si c'est une difficulté pour les libraires, cela devient un problème pour nous. C'est pourquoi nous avons tous intérêt à ce que ces quatre plateformes apprennent à travailler ensemble, c'est-à-dire à être interopérables. Dans le cadre d'Eden-Livres, nous nous y sommes toujours déclarés favorables. Et j'ai le sentiment que les autres acteurs n'y sont pas opposés. Je ne pense donc pas qu'il y ait là une menace majeure pour l'avenir, la question étant de savoir quand et dans quelles conditions on mettra en œuvre cette interopérabilité. Pour ma part, je suis assez optimiste.

Alain Absire
Que signifient pour un libraire ces quatre plateformes ?

François Maillot
Si les grands groupes ont voulu garder leur indépendance de distribution, c'est parce que c'est là qu'est le profit. Dans le numérique, la logique est différente. La véritable question est celle du référencement, travail qui a été fait pour le livre physique avec la base Dilicom qui représente des décennies de travail continu, au service commun de toute la chaîne du livre. C'est ce qui est crucial pour le numérique, le mode de référencement, l'accès à la connaissance des livres numériques qui seront sur le marché. Les libraires que nous sommes doivent s'en remettre à la sagesse des éditeurs, à qui ils demandent une facilité d'utilisation afin de pouvoir vendre au grand public les produits numériques.

Alain Absire
Que trouvez-vous sur la plateforme d'Eden-livres, dont je rappelle que c'est Gallimard, La Martinière, Le Seuil et Flammarion.

François Maillot
Il y a plusieurs offres exclusives l'une de l'autre et comme je n'ai pas envie que La Procure soit liée à une seule, cela nous oblige pour l'instant à envisager des développements séparés. Il y a tout un travail à faire pour qu'un libraire puisse vendre des fichiers numériques sans pour autant les « ghettoïser » via un ou plusieurs onglets numériques sur le site des librairies, ce qui suppose un travail en commun pour arriver à intégrer de façon efficace, simple et à moindre coût les propositions numériques des éditeurs.

Marie-Pierre Sangouard
On comprend tout à fait que les éditeurs aient envie de conserver leur distribution y compris numérique : mais je les interpelle par rapport à ce qu'on a connu avec le marché du CD qui a été tué faute d'accord sur les normes. Nous sommes plus en avance au niveau de la librairie car nous sommes tous en train de travailler autour de l'epub et du PDF. Aujourd'hui, c'est bien le client qui est en demande et on doit pouvoir lui proposer une offre totalement intégrée, où tous les éditeurs qui ont une proposition numérique puissent être représentés de manière intelligente sur le site de chacun des libraires ; ces derniers pouvant organiser leur offre de façon compréhensible pour le futur acheteur. Il faut également pouvoir intégrer cette proposition numérique à la proposition physique qui existe déjà, en terme d'offre marketing et de ciblage des consommateurs.

Alain Absire
Charles Kermarec, vous êtes déjà en partenariat avec Numilog, l'e-diffuseur de Hachette, première association d'e-diffuseurs.

Charles Kermarec
On est plus avancés que cela car nous avons résolu les problèmes évoqués. Il était pour nous hors de question de multiplier les entrées. On peut donc acheter sur notre site tous les livres, physiques ou numériques de tous les éditeurs. Et comme pour les livres physiques, on paie une seule fois à la caisse. Cela est techniquement relativement simple à mettre en place.

Alain Absire
On vous avait entendu beaucoup plus critique au Salon du Livre, en particulier sur le référencement et le niveau d'interrogation des œuvres.

Charles Kermarec
Le site de la librairie Dialogues existe depuis 1999, nous discutons depuis cette époque avec l'ensemble des éditeurs pour avoir en ligne la même chose que pour le livre papier comme des couvertures imprimées, des quatrièmes de couverture etc... A part Editis, aucun éditeur ne peut nous fournir les éléments nécessaires à la vente des livres ce qui est proprement scandaleux. Ce n'est pas à nous qu'il appartient de le faire d'autant que ces éléments existent chez les fournisseurs. Il s'agit de faire concurrence à Amazon, à la Fnac et nous sommes désarmés parce que les éditeurs sont soit inconscients, soit ils estiment que cela n'en vaut pas la peine.

Marie-Pierre Sangouard
Je vais prendre la défense des éditeurs qui font des efforts pour nous aider à vendre correctement leurs livres.

Charles Kermarec
Certains petits éditeurs font le nécessaire, mais pas les mastodontes.

Thierry Pech
Certes, les éditeurs ont pris le train en marche. En revanche, je doute qu'ils soient informatiquement « sous-doués ». Il y a un an, il n'y avait pas quatre plateformes, pas autant de débats non plus. Les investissements sont allés croissant et nous sommes confrontés à une difficulté peu visible qui est au cœur de notre métier : la gestion des droits (et pas seulement ceux des auteurs). Pour certains livres, l'accumulation de droits (auteurs, directeur d'ouvrage, illustrateurs, etc.) produit in fine un objet assez composite. Les couvertures - en particulier les couvertures illustrées - font partie de cette problématique. Certes, nos contrats, depuis de nombreuses années, comprennent le numérique. Mais nous souhaitons être prudents : c'est pourquoi nous prenons le temps de consolider ces droits. C'est assez long et complexe, mais cela ne relève en rien de la technologie. On ne gère pas en six mois plusieurs milliers de titres actifs.

Charles Kermarec
Dans ce cas, pourquoi ne fournissez-vous pas aux librairies "en briques "des livres avec couvertures blanches ? Et puisque vous ne le faites pas, et puisque vous fournissez aux librairies "en briques" des couvertures en couleur, et dont les quatrièmes proposent des argumentaires, pourquoi ne fournissez-vous pas aux librairies "en clics" les mêmes visuels et les mêmes argumentaires ? Aucun auteur ne refusera que son livre apparaisse avec sa couverture illustrée et son argumentaire de quatrième sur les sites des libraires indépendants.

Thierry Pech
Je répondais sur le terrain des objets numériques à proprement parler. Pour ce qui est de l'exploitation des livres physiques, on peut trouver nos couvertures sur de nombreux sites de librairies.

Alain Absire
Qu'est-ce que cela vous inspire Philippe Colombet ?

Philippe Colombet
Tout d'abord, je vous remercie de votre invitation. Comme vous l'avez dit, je suis aussi auteur et j'ai donc un peu l'impression de « jouer à domicile » comme on dit au foot. C'est normal que chacun ait envie d'apprendre et de vouloir maîtriser ces métiers d'avenir, libraires comme éditeurs. Nous travaillerons avec toutes les plateformes qui se présenteront. Mais à la base, notre métier est de recenser l'information et de la rendre utile parce que pertinente. Pour les internautes, la pertinence est beaucoup plus dans les livres que dans un article de Wikipedia, d'où l'importance du livre dans le moteur de recherche. C'est pourquoi il nous paraît si important de travailler avec les éditeurs, les libraires, les bibliothèques. On vient au livre de deux manières, soit comme une nouveauté, soit via une demande formulée à un libraire, ou via des sites, des moteurs de recherche etc..
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Comment arrive-t-on aux livres ? Le moteur de recherche est le reflet de millions de questions dont plusieurs centaines de milliers concernent les livres. Que fait-on de toutes ces intentions exprimées ? Comment les faire arriver au bon interlocuteur, charge après à chacun de vendre le livre sous quelque forme que ce soit. Il ne faut pas occulter l'apport d'Internet en terme de reflet des désirs et des attentes par rapport aux livres.

Alain Absire
Je vous ai fait part hier de mon étonnement de l'appellation Google éditions ce nouveau service de librairie en ligne n'étant pas un service d'édition, mais une plateforme commerciale pour achat et lecture sur différents supports électroniques, et vous êtes en réseau ouvert contrairement à Kindle , avec 400 à 600 000 titres disponibles au 1er trimestre 2010 soit 30% de plus que sur Kindle store.

Philippe Colombet
Ce sont des projections. Nous avons 30 000 éditeurs partenaires dans le monde représentant deux millions de livres, et parmi eux certains ont les droits numériques sur l'œuvre. Notre estimation comprend les pays où nous allons lancer l'offre.

Alain Absire
A ces titres viendront s'ajouter le million d'ouvrages classiques déjà indexés tombés dans le domaine public, les prix seraient déterminés par les maisons d'édition titulaires des droits, avec vente directe au lecteur, ce que je voudrais que vous nous expliquiez.

Philippe Colombet
Nous souhaitons que l'internaute ait plusieurs moyens d'accès. La conception de cette offre résulte du travail mené depuis plusieurs années avec les éditeurs qui veulent mettre en place avec nous une offre légale qui permette d'accéder aux livres. Ce que nous proposons s'articule selon deux principes. Nous ne voulons pas être attachés à un format ou à un type de lecteur fermé, et l'accès au livre doit être pérenne donc non dépendant du support d'origine. Nous ne voulons pas que le livre numérique soit perçu comme ne pouvant être gardé dans la durée, car si tel est le cas, il y aura une forte pression à la baisse des prix. Et nous voulons également être disponibles chez les libraires en ligne, quelle qu'en soit la taille et la niche, ce qui nous différencie des autres opérateurs.

Alain Absire
Vous envisagez aussi d'être partenaires avec les libraires, avec partage des revenus, 45% à l'éditeur et 55% au détaillant dont « une petite part » pour Google, non précisée, plus une présence directement sur le site d'un éditeur. La seule solution qui préserve la chaîne de valeur du livre est quand vous êtes partenaire du libraire.

Philippe Colombet
Il y a beaucoup de livres de spécialités. J'étais hier chez un éditeur, Le Temps des Cerises, qui réédite Marx. Il tente par tous les moyens d'être présent en librairie et fait un travail de vente par correspondance. Il existe donc ce modèle d'éditeurs qui sur tel ou tel segment doivent travailler avec une clientèle qu'ils connaissent et Internet va s'intégrer dans des schémas différents de ceux de la littérature générale.

Alain Absire
Marie-Pierre Sangouard, êtes-vous prêts, à la FNAC, à travailler avec Google ?

Marie-Pierre Sangouard
Nous n'avons pas encore établi de contacts très avancés, mais on se laisse ouvertes toutes les possibilités. On constate aujourd'hui que plus de 50% des appels d'offres pour les bibliothèques concernent le numérique et donc sur tout un pan des catalogues, l'édition numérique prend le pas de façon très forte. De plus, sur le numérique on va être capable d'avoir des stratégies ciblées beaucoup plus développées que ce que l'on fait avec le livre physique.

Charles Kermarec
45% pour l'éditeur, 55% pour le distributeur, c'est la même économie que pour le papier. 55% sur lesquels une partie est reversée au libraire.

Philippe Colombet
Oui, une part motivante

Charles Kermarec
C'est quoi une part motivante ?

Philippe Colombet
C'est à voir selon chaque pays. Les chiffres donnés la semaine dernière à Francfort sont globaux. En France, cela permettra d'aboutir à des pratiques intéressantes....

Charles Kermarec
Non, non , ce n'est pas juste. On a déjà un modèle avec Eden-Livresqui propose 25%, tout comme Editis et Numilog - je crois d'ailleurs que le Conseil de la Concurrence s'en préoccupe.

Philippe Colombet
Il est encore un peu tôt pour en parler.

Charles Kermarec
Donc Google va prendre 30% , pour quoi ?

Philippe Colombet
Charles, nous travaillons déjà ensemble, vous savez que nous pouvons mettre en place des solutions qui technologiquement marchent bien, et quand la presse a parlé d'une petite part, ce sera une petite part, pas celle que vous évoquez, mais je ne veux pas m'arrêter à un pourcentage.

Charles Kermarec
C'est quand même une vraie question car si vous dites que c'est 30% ou plus pour les libraires, vous allez peut-être obliger les distributeurs à relever le niveau de la rémunération des libraires.

Philippe Colombet
Ne faisons pas comme si le marché existait, essayons de nous adapter localement, tout le monde apprend sur ce marché naissant, il faut que chacun trouve sa place.

Charles Kermarec
Que pensez-vous des propos de Madame Kosciusko-Morizet qui a dit hier que les éditeurs doivent veiller à sauvegarder les réseaux et à ne pas commettre les mêmes erreurs que les majors du disque qui ont tué les disquaires.

Philippe Colombet
Je pense que l'économie des éditeurs repose sur cette diversité de canaux et c'est pourquoi nous tenons à ce que cette plateforme soit mise à la disposition des libraires. Nous pensons d'ailleurs que la majorité des ventes se fera via les plateformes des libraires. D'où l'importance que ce soient des libraires français qui s'approprient cette technologie et soient ainsi le point d'achat et de contact avec l'internaute.

Stéphane Michalon
Google propose une plateforme unique, mais finalement il n'y en a que quatre qui proposent la même chose que Google, permettre à un libraire de vendre des livres numériques. Où est le problème et en quoi faut-il s'inquiéter de voir de grands éditeurs le faire eux-mêmes plutôt que de le confier à un tiers type Google. Pour ma part, je trouve que quatre plate-formes c'est peu, l'expérience de Charles Kermarec ou la notre prouve que c'est possible de travailler avec plusieurs plateformes. De toutes façons, il y en aura plusieurs. Les livres en langues étrangères seront sur d'autres plateformes, tout comme les dvd pour les libraires qui en vendent etc... J'espère que ces grands groupes qui créent leurs propres outils continueront de faire appel aux éditeurs et aux distributeurs pour diffuser les livres numériques.

Thierry Pech
Je n'ai pas bien compris. Que fait exactement l'internaute qui va sur Google editions pour acheter un livre numérique ? Il télécharge un fichier à un prix fixe, ou bien il achète un accès à un texte (où, pour combien de temps ?) ? Et dans ce cas (vente directe), puisque le libraire n'intervient pas, votre part grossit-elle ? Compte tenu du niveau imbattable de fréquentation de votre site, combien de temps aurez-vous besoin de partenariats avec des libraires si la vente directe se développe ?

Philippe Colombet
L'économie de Google fonctionne sur le partenariat. Notre modèle est publicitaire pour 98% de nos revenus. Et les liens commerciaux que vous trouvez sur Google, vous les trouvez aussi sur d'autres sites tels Lemonde.fr, Orange, Free ....
Le propre de notre conception d'Internet c'est la plateforme, qui a vocation a exister là où sont les internautes et pas seulement sur Google. C'est l'aboutissement du WEB2.0 de considérer qu'à partir du moment où on a une plateforme technologiquement validée par l'internaute, en l'occurrence la publicité, c'est par un réseau de partenaires que cette plateforme peut prouver son efficacité. C'est ainsi que nous fonctionnons pour la partie publicitaire de notre métier, soit 99% de celui-ci. Nous avons le même désir de « syndiquer » autour de cette plateforme livres le maximum de partenaires. Ce n'est pas une posture, mais bien la manière dont nous fonctionnons dans tous nos programmes. Il y aura effectivement des livres dont on pourra acheter l'accès sur Google, mais cette offre n'est concevable que si elle est ouverte aux autres. C'est intrinsèque à notre technologie d'être transportable. L'internaute pourra accéder à un livre sur différents terminaux, nous croyons au Cloud computing en français l'informatique des nuages, c'est à dire que des contenus seront pérennes, interopérables et sécurisés quand ils seront stockés de manière sécurisée, avec des accès par mots de passe, à travers un compte, ce qui garantit la portabilité. C'est ce que sera l'offre consommateur, non un iTunes du livre, mais un accès distant avec la possibilité de garder un cache pour ne pas interrompre la lecture si vous êtes en train dans un tunnel par exemple.
Etant entendu comme le rappelle Alain Absire que cela fonctionne avec les livres pour lesquels les éditeurs ont donné les droits numériques.

Alain Absire
Thierry Pech, est-il insensé de penser que de grands éditeurs français puissent un jour proposer la même chose, deux ou trois possibilités d'accès à un catalogue numérique, ou restez-vous fidèles à la chaîne du livre, au réseau de librairies ? »

Thierry Pech
Pour Cloud computing je propose Informatique des nébuleuses.
Pour répondre à votre question, rien n'est insensé car nous sommes au cœur d'une révolution technologique disruptive : on ne sait pas encore très bien sur quels modèles elle débouchera. Je cite souvent l'exemple d'Edison qui pensait que le phonographe servirait à enregistrer la parole des mourants. Les gens qui sont les premiers acteurs de ces révolutions ne connaissent pas l'histoire qu'ils sont en train d'écrire ! On peut tout imaginer. Pour le moment, notre intention, parce que nous pensons que cette chaîne du livre est garante de qualité et de diversité, est de la projeter dans l'univers numérique. C'est la philosophie qui a présidé au lancement d'Eden et c'est pourquoi ces trois éditeurs se sont réunis autour d'une même conception du métier. Plus grand sera le nombre de gens qui nous suivront, plus satisfaisante sera cette expérience, et plus on se rapprochera de notre objectif d'assurer à nos métiers une vie nouvelle et plus longue sur ces nouveaux supports. Mais on peut imaginer beaucoup d'autres systèmes.

Marie-Pierre Sangouard
Vous avez tous été d'accord hier pour dire que l'éditeur avait encore un avenir, et nous sommes aussi persuadés que le libraire en a un aussi, qui est également en train de s'écrire. La prescription du libraire est essentielle pour développer ce nouveau support de lecture. Le libraire fait sens pour le consommateur comme pour l'éditeur et il est aussi la clé des prochains développements.

Alain Absire
Sans mettre en doute votre sincérité, peut-être le libraire a-t-il encore un avenir comme on dit de quelqu'un « il est encore jeune », ce qui veut dire « il est déjà vieux ». Charles Kermarec, en quoi consiste votre partenariat avec Google ?

Charles Kermarec
Nous parlons de façon franche et plutôt agréable depuis deux ans, sans pour autant que j'oublie que je suis un pot de terre contre un pot de fer. Les relations ne sont pas plus difficiles que celles que nous avons avec Hachette, Editis ou Gallimard, autres pots de fer. En tant que futur éditeur, si nous mettons nos livres chez Google, ce sera à la condition qu'ils soient revendus par des sites de libraires. Chez nous le marché du livre est à 99,8% celui du livre physique, nous n'allons donc pas nous tirer une balle dans le pied !

Alain Absire
François Maillot, avez-vous un partenariat avec Google ?

François Maillot
Nous avons un partenariat qui est sur le point d'aboutir notamment pour le feuilletage sur le site de La Procure. En France nous savons bien que 90% des requêtes Internet passent par le moteur de recherche Google, dont un nombre important concerne le livre. Des partenariats naturels peuvent se lier entre Google et libraires, mais nous n'oublions pas que nous ne sommes pas de la même taille : tout doit se faire de manière claire afin de garantir la spécificité de la chaîne du livre pour que la librairie puisse exister demain, ce à quoi nous serons toujours très vigilants. D'autant que j'estime que c'est une illusion totale de penser que, parce qu'on bascule dans l'ère du numérique - dont je sais qu'elle introduit de nouveaux processus d'écriture, de nouveaux modes d'appréhension du livre, qu'elle met le lecteur et sa demande beaucoup plus au cœur du processus - les gens qui écrivent pourraient demain se passer de médiations. Je suis un ardent défenseur de la médiation qui permet à des auteurs qui ne sont pas très reconnus, pas très « grand public » d'exister. La librairie jouera son rôle dans le numérique. Pour ce qui concerne La Procure, quand on nous demande sur nos spécialités un ouvrage qui n'est plus disponible au catalogue d'éditeur, le jour où nous pourrons dire au client que nous pouvons soit lui imprimer à la demande, soit lui fournir un fichier numérique, nous serons dans notre rôle de préconisation, de conseil, de vente, de courroie de transmission entre le lecteur et l'auteur. Cela doit continuer sinon seuls existeront les gros blockbusters.

Alain Absire
Inutile de vous dire que nous auteurs partageons totalement votre point de vue et que le type de livres que nous écrivons, en tout cas majoritairement dans une maison comme la nôtre, a absolument besoin du réseau de médiation de la librairie et ce n'est pas un hasard si le SLF habite ici. Stéphane Michalon, vous qui proposez un service aux éditeurs et aux libraires, pouvez-vous nous expliquer de quoi il s'agit ?

Stéphane Michalon
C'est d'abord un service aux libraires.
En 2007, étant alors libraire je constate que des éditeurs commencent à commercialiser des livres numériques. Il y a  beaucoup de discussions avec Gallimard qui vend en direct Le Débat, par article, alors que nous n'avons que la version papier, puis c'est L'élégance du hérisson mis en vente sur Numilog, alors que c'est la librairie qui a fait le gros du travail pour lancer cet ouvrage et qui ne peut pas le vendre en numérique. Puis les libraires jeunesse, qui ont vendu beaucoup de livres audio, de livres avec cassette, puis des livres avec CD et maintenant des livres avec MP3. Et à la fin, plus de libraires puisqu'on peut acheter en direct sur Ecoutez Lire. Donc les libraires se sont tournés vers les Ssii, pour moi ce fut Tite Live, et de fil en aiguille nous avons voulu faire évoluer les outils proposés aux libraires pour les mettre en capacité de commercialiser l'offre numérique des éditeurs. La plupart des libraires utilise un logiciel de gestion, tout comme pour les bases de données et un certain nombre de libraires, tel Charles Kermarec, investissent par eux-mêmes. Mais beaucoup d'autres souhaitent être accompagnés et nous leur proposons un service qui agrège des catalogues venant de différents entrepôts, donnons des outils commerciaux permettant de vendre le livre numérique en magasin, et cela peut aller aujourd'hui jusqu'à apporter un service de grossiste pour de nouveaux supports type tablettes à encre électronique car il n'est pas forcément évident pour un libraire d'ouvrir un compte chez chacun des différents fabricants.

Alain Absire
Charles Kermarec, vous avez parlé hier de la collection, pouvez nous en dire plus ? Y a-t-il de nouvelles potentialités que peuvent offrir les libraires grâce au numérique ?

Charles Kermarec
Jusqu'à présent, les fichiers numériques sont proposés en téléchargement sur les sites de Dialogues, la Fnac, Amazon etc... et la grande majorité des libraires est alors exclue de la vente de ces fichiers. La plupart d'entre eux n'a pas de site ou pas de site sur lesquels on puisse faire du téléchargement de e-books. Nous sommes les premiers, avec trois mois d'antériorité. Des technologies permettent de faire rentrer le numérique dans les librairies et non sur les sites des éditeurs, il s'agit d'un code 2D, utilisé au Japon depuis 2003 pour d'autres usages. On a développé des programmes qui permettent d'imprimer dans un livre papier un code 2D qu'on scanne avec un téléphone portable ou dont on note le code sur son ordinateur et on accède alors à une page web à partir de laquelle on lit ou télécharge le livre dans son intégralité et son intégrité. On propose à la fois la librairie physique et la librairie numérique dans un livre papier. Ce faisant, on remet tous les libraires dans le circuit, et on offre au lecteur qui n'a pas le livre papier avec lui, la possibilité de reprendre le livre là où il l'avait laissé chez lui, et de le lire sur une plateforme de lecture électronique.

Alain Absire
C'est une mutation du rôle du libraire. De votre point de vue, on revient au libraire du XIXème siècle qui est aussi éditeur. Vous êtes plutôt précurseur sur une double clé de lecture puisque vous vendez du livre physique pour aboutir éventuellement au livre numérique. Ce qui est intéressant, c'est que vous avez choisi de le faire sur la nouvelle.

Charles Kermarec
Bien que les libraires, dont je suis, disent que la nouvelle ne se vend pas., je vais éditer La diagonale du traître d'Hervé Hamon, douze nouvelles de douze pages, chacune consacrée à un aspect du traître ou de la traîtrise, ,je vais aussi publier Voies et voyage en biogé de Michel Serres et des nouvelles érotiques, Lulu personne, sous pseudonyme.

Alain Absire
On parle beaucoup d'un portail de la librairie indépendante, je voudrais avoir vos avis : où en sommes nous, est-ce une solution ? Cela va-t-il démultiplier les points d'entrée du livre dans les librairies indépendantes ?

Stéphane Michalon
La première chose qu'a faite ePagine est de frapper à la porte de la Bnf et de dire à Arnaud Beaufort que dans le projet Gallica de vente de livres sous droits, on pouvait Iinclure les libraires pour vendre les livres numériques. La Bnf a dit oui sous réserve d'un portail rassemblant plusieurs libraires. Il existe donc un seul petit portail de quinze libraires qui vendent les formats numériques des éditeurs.

Alain Absire
Cela a vocation à se développer ?

François Maillot
C'est un besoin pour la librairie, donc pour toute la chaîne du livre parce que c'est aujourd'hui illusoire de penser que chaque libraire va pouvoir développer un site utile, visible et bien référencé. Ce portail répond à une nécessité. Ce n'est pas exclusif du fait que d'autres librairies plus importantes ou avec une spécificité développent leur propre site, et nous serons libraires associés du portail. Je crois savoir que le projet avance bien. D'autres sont mieux à même d'en parler que moi.

Alain Absire
On voit bien comment le monde des auteurs, des libraires, des éditeurs est en pleine évolution/révolution. Mais il y a aussi le monde des lecteurs dont  il me semble que c'est là  qu'une vraie révolution prend racine. On est de plus en plus dans une activité de la demande et de l'usage, que l'on peut nommer et identifier. Nous en avons discuté avec Thierry Pech pour savoir si effectivement ces nouvelles possibilités d'identification des désirs des lecteurs, des potentialités culturelles, littéraires, économiques qu'on va sans doute pouvoir utiliser, n'est-ce pas complètement neuf dans le monde de l'édition ? Y a- t- il quelque chose à développer ? Nous avons évoqué le webmarketing.

Thierry Pech
Nous nous sommes effectivement dit que les libraires avaient un vrai défi à relever au niveau du webmarketing. A savoir la capacité, via les outils Internet, de fédérer des audiences qualifiées autour des offres éditoriales que les libraires proposent. C'est un véritable enjeu pour eux car s'ils sont les détenteurs d'accès aux livres, c'est à eux que cette question se pose. En effet Internet permet de mieux connaître et de mieux cibler les audiences. Que les libraires soient en capacité d'utiliser ces outils est décisif pour nous. Prenons par exemple la spiritualité et la sagesse. Il est évident que sur ce segment, La Procure est un interlocuteur prioritaire. Si le jour où nous vous permettons de vendre nos ouvrages sous format numérique vous êtes capables de cibler cette audience très particulière, vous serez pour nos livres un démultiplicateur très précieux.

Alain Absire
Ne pensez-vous pas que ces informations puissent aussi venir de l'éditeur ?

Thierry Pech
Sans doute, mais il faut que chacun fasse son métier. A l'heure actuelle, notre valeur ajoutée dans ce domaine n'est pas forcément la plus élevée.

François Maillot
C'est un enjeu énorme pour les libraires. Le mot de webmarketing ne me fait pas peur. De tout temps, on a fait ce qu'il fallait pour vendre les produits mis sur le marché. Ce qui est nouveau, ce sont des techniques qu'il faut essayer de s'approprier. Comment demain mieux vendre la production « spiritualité » du Seuil ? En travaillant sur des réseaux communautaires, en développant des mécanismes d'affiliation, c'est ce que nous allons lancer sur notre site début 2010. Avec une qualification de plus en plus importante de notre fichier clients, avec une connaissance de plus en plus pointue de nos lecteurs, ce qu'on appelle du « profiling clients » et en proposant aux bonnes personnes les livres du Seuil, il est évident que nous allons les vendre et qu'il va donc en publier d'avantage. Certes, la demande du lecteur est de plus en plus concentré sur un nombre de références qui se réduit, mais il ne faut pas négliger que nous sommes dans des métiers d'offre et que si nous l'oublions, la demande va se tarir. Pour qu'il y ait de l'offre il faut être capable de recueillir la demande des lecteurs et de faire ensuite une proposition plus large, plus haut de gamme, qui elle-même génère de la demande. Il serait dommageable de séparer la logique de demande de celle d'offre, tout comme il serait idiot de séparer la logique culturelle de la logique marketing.

Marie Pierre Sangouard
C'est un défi qui existe déjà : sur les sites Internet on voit comment certains sont capables de cibler un type de population et ses centres d'intérêt et pouvoir ainsi proposer des environnements capables de satisfaire le consommateur. Cela va être encore plus important dans le domaine du numérique car nous allons pouvoir démultiplier ces offres. Ce « ciblage » existe déjà dans les magasins qui organisent de plus en plus leurs offres par centres d'intérêt, par types de population. On le voit bien en jeunesse où l'on propose à la fois des livres, des jouets, des DVD etc...Il en ira de même pour l'offre numérique qui doit s'accompagner de propositions tarifaires à même de satisfaire le client. Le risque est celui du piratage, on l'a vu avec le CD l'industrie du CD ayant été incapable par exemple de proposer dès le démarrage des possibilités d'acheter une chanson à l'unité et non pas tout l'album. Il va falloir proposer des bouquets, autour de thématiques, des abonnements sur des durées ou des thématiques, des paiements au chapitre... Nous en sommes à l'âge de pierre du marketing du numérique, avec des propositions d'achat à l'acte (j'ai un livre en physique, je le propose en numérique) : ce qui est insuffisant pour développer un marché capable de satisfaire des internautes exigeants et très en avance sur toutes ces questions.

Charles Kermarec
On peut aussi faire du webmarketing de l'auteur. Pour éviter de se faire pirater, nous allons demander aux internautes de donner leur adresse mail ce qui nous permettra par exemple si Hervé Hamon nous donne un autre livre, d'inciter ceux qui ont acheté le premier à acheter le suivant.

Alain Absire
Il est clair que nous entrons dans un monde nouveau et que ces raisonnements, nous ne les tenions pas il y a quelques mois.

Thierry Pech
Les contenus littéraires ne sont pas des objets complètement liquides. Tous les livres ne peuvent pas se morceler, se vendre en miettes ou servir à composer d'autres œuvres. L'utopie de la liquidité, alimentée par Internet qui nous donne l'habitude d'accéder à de micro-contenus et de micro-informations, pose en réalité de graves problèmes tant juridiques qu'éthiques. Notre rôle est aussi de mettre des limites à ce jeu et de protéger l'intégrité morale des œuvres. Un éditeur, par ses relations avec les auteurs, doit « soigner » les œuvres, ce qui implique de ne pas les considérer comme des objets liquides qui se mélangent à l'envi pour produire une autre couleur.

Alain Absire
Il n'est en effet pas question de devenir des auteurs caméléons.

Stéphane Michalon
A propos du webmarketing et de la notion d'offensivité qui a été évoquée, et au regard des services que nous leur proposons, les libraires vont effectivement devoir être inventifs et c'est là que Google est un bon outil. Il nous appartient aussi de nous demander ce que nous pouvons apporter à Google. Un bon référencement est un plus, utiliser une Google Maps pour faire, comme je l'ai vu récemment, une Google Maps du polar dans le monde, c'est un plus pour tout le monde, y compris Google, qui en retour nous référence bien.

Alain Absire
Google, qui détient un grand nombre d'information sur les internautes, pourrait-il avoir un vrai rôle de partenaire ? Comment ? En ne perdant pas de vue selon moi que quand on fait appel à un opérateur, il lui appartient de rentrer dans les paramètres du commanditaire.

Philippe Colombet
Je vais expliquer comment on fait du webmarketing dans Google Livres. Prenons l'exemple d'un internaute qui s'intéresse aux plages du débarquement. Il va rentrer ces trois mots clé et se trouver face à un certain nombre de guides qui en parlent. On va situer cette information dans les ouvrages concernés, l'internaute va pouvoir feuilleter quelques pages et commander celui qui l'intéresse chez les libraires en ligne, dont Amazon. Les libraires peuvent pousser vers nous une information de type disponibilité, expérience que nous menons avec succès avec Charles Kermarec et d'autres, qui chaque jour nous font connaître l'état des titres disponibles, leur prix, sachant que sur Google Livres la remise de 5% éventuelle n'est jamais affichée, information appréciée des internautes, qui accroît le taux de clics variable fondamentale du webmarketing, qui permet de savoir, sur cent personnes, combien convertissent leur recherche en achat. Nous ne facturons aucun de ces liens vers les libraires. Nous faisons également le lien vers le SUDOC (Système Universitaire de DOCumentation) et l'ABES (Agence Bibliographique de l'Enseignement Supérieur), qui permettent de repérer des livres universitaires dans les bibliothèques universitaires, dans un contexte de consultation en bibliothèque et non plus d'achat, ce qui nous semble favoriser l'achat des livres par les bibliothécaires, ce qui est également souhaitable. Par ailleurs, nous enregistrons chaque jour 10 à 15% de requêtes inédites, ce qui prouve que ce n'est pas un medium de masse qui converge toujours vers le même sujet, mais bien que les internautes s'intéressent à de plus en plus de sujets, de plus en plus divers.

Joël Faucilhon
Nous avons beaucoup travaillé avec Philippe Colombet sur le projet de librairie partenaire. Il faut souligner qu'aujourd'hui Google renvoie sur huit librairies (en comptant Amazon et d'autres). Il y a aujourd'hui 120 librairies importantes pour les éditeurs, il y en a plus de six cents au sein du Slf, que comptez-vous faire puisque vous m'avez indiqué au téléphone ne pas souhaiter aller plus loin quant au nombre de librairies qui apparaissent sur Google ?

Philippe Colombet
J'ai du nouveau sur ce sujet. Nous avons en effet commencé par les plateformes nationales, Alapage, Fnac et Amazon. A mon arrivée en 2006, j'ai été sensibilisé par le fait qu'un certain nombre d'acteurs français s'étaient donnés la peine de faire un site, avec en général cent mille références en stock, et qui n'avaient pas peur de parler avec Google. Cinq de ces libraires de premier niveau ont rejoint la liste des liens et certains sont en mesure de dire si les titres sont disponibles, ce qui est un service à l'utilisateur dont je me félicite. Et nous souhaitons appeler les libraires qui peuvent pousser vers nous ce type d'information à le faire, nous avons un certain nombre de contacts avec des libraires qui commencent à nous servir des flux ce qui leur permet d'apparaître au même titre que les autres, sous réserve qu'ils soient réellement capables de servir le titre. Nous cherchons à obtenir des flux en provenance de ce portail de la librairie indépendante, comme nous le faisons aux Etats-Unis avec Indigo.

Alain Absire
Nous parlons en termes d'hypothèses de partenariat avec Google. Et la sagesse commande de voir ce que nous pourrions faire ensemble pour avancer, sachant que Google n'est pas seul, il y a Amazon, Apple qui annonce son lecteur pour bientôt - et on peut leur faire confiance pour lancer un produit qui sera un véritable tsunami. Il nous appartient donc de savoir ce que nous voulons face à cette explosion technologique annoncée, et de réfléchir ensemble à ce partenariat, à condition que ce ne soit pas le pot de terre contre le pot de fer.

Charles Kermarec
Aujourd'hui, il faut effectivement penser à la possibilité de lire une nouvelle sur un iPhone ou sur une autre plateforme. Est-ce à dire que nos nouvelles vont être en vente sur iPhone ? Je le souhaite sans le croire, car je ne partage pas l'analyse des responsables de SmartNovels qui disent s'être pliés à la politique de prix imposée par iPhone, qui leur permettait de vendre 0,79 euros la nouvelle. Je pense qu'il y a du sens, ne serait-ce que pour fabriquer du « buzz » sur un livre à paraître, de vendre avant parution quelques nouvelles à un prix acceptable par tous. Une nouvelle numérique à 0,99 euros, c'est 12 euros le recueil ce qui n'est pas déraisonnable. Mais je ne peux pas vendre chez iPhone car ils imposent 0,79 euros ce que je refuse, il m'appartient en tant qu'éditeur de fixer les prix.

Thierry Pech
Je ne sais pas trop ce que signifie « être partenaire ». Tant que le marché numérique représentera environ 1% du chiffre d'affaires de l'édition, on pourra tous être partenaires, étant dans des augmentations rapides mais peu significatives. Dès lors que le marché aura décollé, les partenariats deviendront plus complexes. Pour tout ce qui concerne l'environnement réglementaire de nos activités, il faut profiter de la période actuelle, car l'urgence est de fixer le cadre et nous sommes face à un certain nombre de questions lourdes : la Tva, le prix unique, la définition du livre... Pour l'heure, je pense que ces questions sont les plus urgentes.

Alain Absire
Il y a urgence à s'entendre, mais il faut que la divergence qui existe aujourd'hui entre Google et nous soit levée. Ne pensez-vous pas que c'est le moment de prendre en considération les demandes des ayants droit, dont celle du droit moral pour les auteurs, autorisation de divulgation et respect de l'intégrité de l'œuvre. Il faut comprendre que si les auteurs perdent ce droit moral, nous basculons dans tous les inconvénients du copyright. Est-il envisageable, cinq ans après nos premiers échanges avec vous, de nous entendre avec vous sur ce point ?

Philippe Colombet
On parle des œuvres françaises, qui étaient dans des bibliothèques américaines, numérisées pour être référencées, à la demande de ces bibliothèques, sans l'autorisation des auteurs et éditeurs concernés, et on les met dans le service sauf interdiction de l'éditeur. Les auteurs et éditeurs américains ont fait connaître leur désaccord sur cette méthode, nous avons travaillé avec eux pour trouver un moyen d'avancer, de traiter la question des œuvres orphelines, respecter les ayants droit, et nous avons bon espoir que la seconde version de l'accord, qui sera présentée au juge le 9 novembre prochain, soit acceptée. Mais cela ne traite que le problème américain et il faut trouver d'autres solutions - et je sors du cadre français - avec les syndicats d'éditeurs et d'auteurs européens, satisfaisant l'ensemble des parties.

Jean Sarzana
Les échanges de ces deux jours ont témoigné d'un bel esprit d'ouverture que je crains de ne pas retrouver dans les discussions qui opposent aujourd'hui les partenaires du livre. Quand arrêterons-nous de projeter dans les discussions autour du livre numérique les problématiques du livre papier ? On ne peut plus raisonner de la même manière dans ces deux domaines. Par ailleurs, tous ceux qui ont participé à des réunions, nationales ou internationales avec Google ont été frappé par l'immense bienveillance qui se dégage de ses propositions, il est invasif sans être intrusif, il a l'avantage d'être planétaire. Mais il ne faut jamais oublier que Google est une entreprise, américaine, dont le fondement est son intérêt. Et le jour où ses actionnaires décideront que l'heure n'est plus aux partenariats sympathiques, mais qu'il faut gagner vraiment de l'argent, il sera temps alors de se faire du souci ! Enfin, je vous suggère de créer un comité d'éthique avec les éditeurs, les auteurs, les libraires et les bibliothécaires français, ce qui faciliterait les échanges.

Philippe Colombet
Nous n'avons pas à nous excuser d'avoir du succès, d'inventer des produits qui plaisent et d'être californiens. Nous sommes 20.000 dans le monde et une entreprise sensible à son succès financier, et nous réussissons dans notre cœur de métier qui est la publicité, tout comme avec nos partenaires. Le web implique de travailler avec d'autres. Nous embauchons des français, allons construire à Lyon un centre de numérisation avec du personnel français. Bref nous n'avons pas à nous excuser de ce que nous sommes. Moi par exemple, je suis sympathique, c'est ma nature, je ne pourrais pas être arrogant ! Notre fragilité, c'est l'internaute qui peut décider en un quart de seconde de changer de moteur de recherche. Si vous voulez changer d'opérateur de télécoms ou de mobile, vous devez vous soumettre à une procédure relativement longue alors que vous changez en un clic de moteur de recherche. Nous ne pouvons pas nous permettre de jouer les apprentis sorciers ou de truquer les résultats de recherches.

Stéphane Michalon
Quelle pérennité nous garantissez-vous ?

Philippe Colombet
Quand on indexe un site d'éditeur, on indexe le contenu sur nos serveurs. La même question se pose pour le livre. Pour fonctionner, les moteurs de recherche doivent  indexer le contenu, c'est ce qui fait leur force et la rapidité de l'outil, c'est intrinsèque à leur fonctionnement et suppose de la confiance.

Alain Absire
Nous ne sommes pas ici pour faire un procès. Nous restons divergents sur un problème fondamental qui reste non réglé.

Alain Pierrot
On apprécie tous le travail de Google et chaque fois qu'on parle avec Google, la relation est très constructive. Reste un point fondamental pour le livre numérique, c'est qu'on doit avoir une recherche plein texte sur le livre, tous les livres, pour retrouver la pratique du papier, c'est-à-dire l'accès à tous les livres disponibles à travers un référencement général, assorti aujourd'hui de l'énorme service proposé par Google et un peu par Amazon. La question est de savoir si nous confions nos fichiers à une entreprise qui a sa logique et qui l'exprime sans détours, cherchant à reproduire culturellement cette égalité d'accès à cette nébuleuse. Je suis pour ma part catastrophé d'entendre des éditeurs dire qu'il faut très vite réglementer et qui commencent par faire quatre plateformes non inter opérables, et qui ignorent depuis six à sept ans l'effort de normalisation  ONIX. Nous avons entendu hier et allons sûrement entendre aujourd'hui, une secrétaire d'État et un ministre, en situation de demande envers la profession pour savoir ce que politiquement ils peuvent faire.

Thierry Pech
Sur la question de la multiplicité des plates-formes, nous avons partiellement répondu. Je souhaite rappeler qu'il y a 18 mois, il y avait Numilog et des discussions qui stagnaient. Plus on est nombreux, moins on fait, et le risque était de passer tous sous le joug d'une même société. C'est comme cela que sont nés les plateformes d'Editis, Eden, etc. Et cela a lancé le mouvement. Nous allons essayer, je l'ai dit, de rendre ces plateformes inter-opérables le plus vite possible. Il y a 18 mois, toutes les questions que vous posez n'existaient pas car il n'y avait même pas les outils. Ne perdez pas de vue l'histoire qu'on vient d'écrire et qui a permis de conjurer l'immobilisme.
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Alain Pierrot
Je m'inscris complètement en faux contre le fait de faire porter le chapeau à Numilog car un certain nombre d'acteurs de la profession travaillent à cette inter opérabilité depuis beaucoup plus d'années, il y a eu des occasions sérieusement manquées dans un certain nombre de domaines.

Thierry Pech
Il n'a jamais été question de faire porter le chapeau à qui que ce soit. Je ne voulais pas passer sous le joug d'une société ayant une conception différente du métier, que je respecte mais qui n'est pas la mienne. L'indépendance a un prix. Sans doute aurions-nous pu faire encore mieux - on peut toujours faire mieux -, mais je suis content que nous soyons sortis de l'immobilisme.

Olivier Lefevre, auteur numérique
Prenons garde, en se fondant sur l'histoire du génie français, à ne pas refaire l'invention de quatre formats Secam quand le reste du monde parle en Pal ! C'est ce danger qui se dessine dans vos plateformes. Je me réjouis que les éditeurs appréhendent ce mouvement du numérique comme une opportunité. Pour ma part, je suis un auteur numérique, qui travaille d'abord avec un matériau qui existe en ligne et en hypertexte, donc gratis pro Deo depuis une quinzaine d'années puisque les processus de monétarisation de cela ne sont toujours pas en place. Je voudrais dire à ceux qui disent que le livre numérique représente seulement 1% de l'édition, donc un marché dérisoire, j'ai l'impression que c'est ce qu'on entendait dans la bouche des fabricants de fiacres en 1905 quand ils parlaient du marché de l'automobile. Soyons vigilants avec les marchés minoritaires et évitons de les traiter avec mépris. Je suis un grand admirateur de Google et de son hégémonie par l'excellence, installée de fait par les utilisateurs dans une adhésion spontanée et affective, non prévue dans le modèle d'analyse marxiste ! Nous sommes au delà de l'histoire du capitalisme ! Google a créé de la valeur ex nihilo en associant des publicités volontaires finement affinées sur le produit d'une requête. Personne n'est lésé par le fait que des gens sont payés par le fait que d'autres gens cliquent sur une page Google. En revanche, quand je le vois arriver sur une chaîne du livre qui est aussi une chaîne de rétribution, l'évolution de la technologie nous oblige à considérer que vous êtes de facto en position de prédateur absolu. Si, du jour au lendemain, vous décidez de tordre le cou à cette chaîne, vous le faites en un claquement de doigts. En tant qu'auteur numérique cela me questionne, car j'ai deux choix. Ou je considère que je fais partie de la famille historique, et je suis donc clairement aux côtés des éditeurs historiques dont je reconnais le rôle essentiel pour qu'une œuvre advienne, et quelque chose qui n'est pas questionné par le numérique et qui concerne tous les circuits de distribution et va être basculé dans ses fondements et si je suis Google, qui décide de devenir le propre producteur de sa distribution en s'appuyant sur votre propre puissance, cela signifie que je vais, comme auteur, participer au coup d'état qui tordra le cou aux éditeurs. J'aimerais donc savoir clairement quelle va être votre position par rapport à cette évolution.

Philippe Colombet
C'est le côté américain de proclamer comme vous venez de le faire le slogan « we are not evil ».Il ne faut pas oublier qu'un éditeur retire son contenu dans Google Livres quand il le veut. Cela ne fonctionne que si la confiance existe. Pour la suite, on en discute à la sortie si vous voulez.

Stéphane Michalon
Pour ce qui est de l'inter opérabilité des formats, votre inquiétude d'avoir quatre formats parce qu'il y a quatre plateformes est sans fondements. Si vous achetez un livre au Seuil, vous allez avoir un ePub, de même chez Grasset ou Laffont, il n'y a donc pas quatre formats différents.

Olivier Lefevre
Mon problème se situe ailleurs : je ne voudrais pas, si effectivement comme auteur je suis disponible en ePub, que ce soit très compliqué entre mon éditeur et le lecteur. Tout ce qui peut faire obstacle entre l'intention et le résultat au travers d'un clic est d'une immense fragilité, d'où mon souci face à ces plateformes sans inter opérabilité. Quant à la plateforme unique, mutualisée, sur laquelle vous vous battrez pour définir ses spécifications, vous ne me ferez pas croire que des couches logicielles supplémentaires vont régler le problème.

Stéphane Michalon
Je ne suis pas d'accord. Vous ne reprochez pas à vos éditeurs de faire des Pdf !

Alain Pierrot
Monsieur parle bien de la même chose que moi, à savoir au niveau de l'adoption de la norme ONIX, de pratiques commerciales et des surcouches qui assurent la diffusion/distribution du livre que se situe l'enjeu. Au niveau de la capacité de recherche, au niveau des protections, de celui de l'expression des droits etc. Il ne s'agit ici pas des couches des formats de représentation et de distribution du produit final.

Stéphane Michalon
Est-ce à dire qu'on n'arrivera pas à communiquer entre Editis et Eden ? Moi je dis qu'on y arrivera.

François Maillot
Ce que je remarque, c'est que l'ALIRE et le SLF ont publié, il y a de cela bientôt dix huit mois, un modeste rapport dans les Cahiers de la librairie sur le livre numérique, dont un des axes forts était de dire qu'il fallait travailler à une sorte de Dilicom numérique, un référencement commun et nous appelions les éditeurs à être conscients de ce qu'on leur demandait, notamment de faire un vrai groupe de travail avec nous. Nous attendons toujours.

Marie-Pierre Sangouard
Un autre point m'interpelle, c'est que le développement du livre numérique se fait aussi par la qualité du catalogue que l'on peut proposer, et aujourd'hui, on n'a pas grand chose. C'est un enjeu pour nous distributeurs d'avoir une offre de contenu large à proposer : du fond, de la nouveauté, d'autres formes de créations enrichies (vidéo, musique...). A ce jour, on doit avoir dix mille livres en epub sur le marché total et 22 à 23000 Pdf : c'est peu par rapport à un marché total de 700 000 références. Il y a donc un gros travail à mener, sachant par ailleurs qu'il y a des contraintes législatives, de droits d'auteur etc..., difficiles à lever.

Alban Cerisier
Je suis curieux de savoir comment vous savez tant de choses sur Eden. Eden est né d'une réflexion dans le cadre d'instances interprofessionnelles, il y a un groupe de travail « normes et standards » à la commission numérique du Sne. On n'est donc pas partis sur des hypothèses hors marché ou hors normes. L'étude menée a été fondatrice pour nous tous, nous discutons étroitement avec Dilicom et Electre sur les problématiques d'inter opérabilité de la plateforme de distribution au niveau de ses méta données, le travail est en cours.

Alain Absire
Je voudrais que nous abordions le sujet d'un éventuel prix unique du livre numérique et recueillir le sentiment des participants à cette table ronde. Y- croyez-vous, le souhaitez-vous, pensez-vous au contraire que cela n'a pas de sens ?

Thierry Pech
Tout le monde se félicite du prix unique du livre physique. De nombreux pays s'y sont ralliés, et les éditeurs anglais eux-mêmes, face à la destruction des réseaux de distribution du livre chez eux, commencent à reconsidérer cette question. Pour le livre numérique, je pense que ce serait également un bon instrument de régulation. Comment le mettre en œuvre ? Il y a différentes façons de faire. J'ai des réserves sur la voie législative, dont je craindrais qu'elle n'ébranle la loi Lang et qu'elle donne lieu à beaucoup d'incidents de parcours. On parle aussi de décrets d'exemption, ce qui nous obligerait à réécrire une partie de notre patrimoine contractuel. Il y a aussi la solution du contrat de mandat qui a le mérite d'exister déjà, c'est peut-être la voie la plus pratique mais pas obligatoirement la plus adaptée pour nous prémunir contre l'arrivée de nouveaux acteurs qui seraient, eux, dans une autre politique de prix, notamment dans une politique de standardisation des prix.

Alain Absire
Sur le contrat de mandat, mon sentiment du temps des commissions post Patino étaient que les positions variaient d'un groupe éditorial à l'autre quant à son application. Nous avons d'ailleurs été auditionné par l'Autorité de la concurrence, mais je n'ai pas le sentiment que le contrat de mandat soit l'hypothèse la plus vraisemblable.

Marie-Pierre Sangouard
Nous avons tous envie de régulation pour éviter ce que connaît le marché américain où les conditions de ventes et les performances du numérique, avec des prix très bas, remettent en cause l'économie même du livre papier et fragilisent les éditeurs. Aujourd'hui, la valeur perçue d'une nouveauté en hardcover, pour le consommateur final, relève plus du prix du numérique à 9,90$ que de la réalité de la chaîne de valeur du livre grand format. C'est donc un risque fondamental, qui pourrait mettre par terre une économie qui montre à chaque instant son dynamisme. Maintenant, quelle forme adopter ? Tout d'abord, nous devons tous nous battre pour passer d'une TVA à 19,6 % à une TVA à 5,5%. Sur l'aspect juridique, je rejoins Thierry Pech. Le législatif va prendre du temps, on a du mal à imaginer les dommages collatéraux engendrés par cette lenteur . Par ailleurs, le contrat de mandat manque cruellement de souplesse par rapport à la possibilité de s'adapter à l'évolution des critères de choix des clients du numérique et par rapport aux nouvelles formes de marketing induites par ce nouveau marché; la voie du décret pose un vrai problème par rapport à la réécriture du patrimoine contractuel. Toutes les solutions qui s'offrent à nous aujourd'hui sont assez peu satisfaisantes.

Charles Kermarec
Il me semble qu'on ne peut pas traiter cette question sans traiter celle du temps du numérique. Je souhaite la tva à 5,5%, et un prix unique. Avec ce qu'on vient de proposer, on lie le format du numérique au format papier du livre, on est à 14,90 euros, et on prend pour zéro la valeur du code 2D. On ne fait que rajouter un format de lecture comme le livre de poche s'est ajouté aux primo éditions dans les années 1950, qui paraît six à neuf mois après la primo édition et il est moins cher. Sur la question du format électronique de lecture, par rapport à un temps T1 du livre broché, du temps T2 du livre de poche, quel est le temps du format électronique ? Un T0 avant parution pour faire de la publicité pour le livre papier, ou un T3 après les retours, quand on peut donner une vie nouvelle au livre ? Il est évident pour moi que la tva doit être à 5,5% et le prix est le prix public.

Alain Absire
Sur la tva, la secrétaire d'État avait l'air très optimiste quant à l'obtention de ce taux.

Thierry Pech
J'étais absent et j'aurais aimé être convaincu... Toutefois les procédures européennes en vigueur réclament l'unanimité des états membres. Or les Suédois et les Allemands sont contre cette décision, et à moins d'une lecture française dérogatoire au droit européen, je ne vois pas trop comment on va y arriver. Aujourd'hui, nous exportons notre taux de tva. Si on vend à 5,5% un livre numérique français à un Allemand, il est obligé de payer une tva française, et il y a distorsion alors de concurrence avec les livres numériques des éditeurs allemands qui portent, eux, une tva supérieure. A partir de 2015, c'est le lieu d'achat qui appellera le taux de tva pertinent. A ce moment-là, l'argument de la distorsion de concurrence tombera...

Constance Krebs
On a parlé jargon technique, et je voulais rappeler que pour qu'un archivage soit pérenne, il y a des normes internationales, les standards de commercialisation internationaux existent, il y a des langages informatiques de structuration des textes établis selon des normes ouvertes, insuffisamment utilisés aujourd'hui par les compositeurs et les éditeurs, qui le sont en sciences humaines. Je pense que ce serait bien de se tourner par exemple vers ce que préconise le TGE Adonis pour l'établissement de ces normes. La confiance peut s'établir en travaillant ensemble selon des standards internationaux.

Un intervenant dans la salle
Je voudrais savoir si on a aujourd'hui des études permettant de savoir quels sont les lecteurs cibles des livres numériques ? Et je voulais savoir s'il existe des livres numériques pour bébés.

Marie-Pierre Sangouard
La Fnac a fait une étude auprès des acheteurs de readers et de téléchargements. L'échantillon n'était pas très important, les ventes n'ayant pas atteint les même sommets qu'aux Etats-Unis. On a constaté que ces premiers acheteurs de readers étaient plutôt des hommes, plutôt plus âgés que la moyenne française, ayant des revenus importants. Il faut rappeler le contexte : un support technique (reader) relativement cher, avec très peu de concurrence, et s'appuyant sur une offre de titres relativement pauvre. Ce qui ressort des meilleurs ventes est proche de ce qui existe en physique, comme c'est le cas aux Etats-Unis : la nouveauté d'abord, la littérature (surtout le polar), avec des niches qui fonctionnent bien comme le sentimental et l'érotique, tout ceci devant être mis en lien avec la pauvreté de notre offre.

Alain Absire
Il y a des livres « jeunesse » mais pas encore de livres bébés.

Un intervenant dans la salle
Pour la voie législative, est-il naïf de penser qu'on pourrait faire rentrer le livre numérique dans la loi Lang, un fichier numérique étant un livre qui a un prix unique ?

Alain Absire
Ne touchons pas à la loi Lang, sinon nous sommes tous morts.
Je remercie tous les débatteurs de leur participation.