NOUS SUIVRE

Avec : Lidia Jorge, Yannis Kiourtsakis, Robert McLiam Wilson, Eirikur Örn Norddahl
Modérateur : Sylvain Bourmeau, journaliste

♦ Sylvain Bourmeau
Bienvenue à tous pour ce débat autour de l’Europe des écrivains, pour apporter un écho plus littéraire à ce qui s’est dit ici depuis ce matin sur des sujets relativement techniques. Nous souhaitons poser à des écrivains européens la question de leur relation à ce continent. L’Europe littéraire est une réalité concrète, à la fois économique et juridique, nous avons pu nous en rendre compte depuis ce matin. Elle le devient d’ailleurs de plus en plus, à mesure que des liens économiques se créent et se renforcent, notamment entre éditeurs européens.

Pourtant, l’Europe littéraire reste – et je voudrais commencer par cette tonalité un peu pessimiste – fragile et peu développée. Il y a 25 ans déjà, Pierre Bourdieu avait imaginé Liber initiative que je jugeais extrêmement importante car elle participait de la création d’un espace public européen et visait à ce que la littérature y joue un rôle important. Elle avait réussi à impliquer, autour des livres, les plus grands journaux européens comme Le Monde en France, El País en Espagne, Dice en Italie, The Times Literary Supplement en Angleterre, La Frankfurter Allgemeine Zeitung en Allemagne. Pourtant, cette initiative a pris fin très vite, après seulement dix-huit mois d’existence. Sans doute avait-elle cessé d’intéresser ces journaux ou était-elle devenue difficile à soutenir d’un point de vue économique. En tout cas, la barrière des langues était probablement présente, même si des éditions dans toutes les langues étaient publiées simultanément, avec un même contenu.

Je ne rappellerai pas toutes les autres initiatives, telle La Lettre Internationale, mais j’en tire le sentiment que l’Europe de la littérature fait du surplace et c’est cela que j’aimerais que nous commencions à évoquer.

Auparavant, je vous présente brièvement les écrivains qui sont parmi nous aujourd’hui. Est-il d’ailleurs besoin de le faire pour Lidia Jorge, tant son œuvre est traduite en France, depuis de nombreuses années, par Anne-Marie Métailié ? Lidia écrit en portugais et c’est dans ce pays européen qu’elle a principalement vécu, même si elle a aussi séjourné en Afrique, ce qui a sans doute été important dans son parcours littéraire.

À sa gauche, Eirikur Örn Norddahl, auteur islandais qui est publié par la même maison d’édition, Anne-Marie Métailié, et dont on découvre l’œuvre en cette rentrée littéraire puisque son roman Illska vient de paraître.

On connaît de Yannis Kiourtsakis, écrivain grec, deux textes publiés en français aux éditions Verdier. Lui-même connaît bien Paris pour y avoir longtemps habité.
Robert McLiam Wilson est en quelque sorte un écrivain « parisien » puisqu’il vit à Paris depuis près de dix ans, après avoir passé l’essentiel de sa vie à Belfast, en Irlande du Nord, ainsi qu’un peu en Angleterre. Son travail est publié jusqu’à présent aux éditions Christian Bourgois.

Erri de Luca parlait de sentiment : avez-vous vous-même, Lidia Jorge, le sentiment d’être une auteure européenne ? Quelles qu’en soient la définition et les frontières, l’Europe est-elle pour vous un territoire littéraire qui fait immédiatement sens par rapport non pas à votre citoyenneté mais à votre statut d’écrivain ?

♦ Lidia Jorge
Merci à la Société des Gens de Lettres, à sa présidente et à tous les amis des livres et des auteurs.
La question est lumineuse, la réponse est difficile… Il est vrai que je me sens un écrivain – j’ai du mal à me qualifier d’écrivaine tant le mot est laid… – européen. L’Europe est avant tout un sentiment, celui d’appartenir à une sorte de grand héritage. Mais peut-être faut-il aujourd’hui la considérer surtout comme un territoire. Il y a fort longtemps, elle était vue comme un promontoire de l’Asie, puis elle est devenue une sorte d’île communiquant avec le monde entier. Ce rayonnement a duré cinq siècles. Depuis le début du XXe siècle, elle est un territoire aux veines ouvertes. Tout le XXe siècle a marqué l’émergence d’un sentiment de honte devant nous-mêmes. Voilà ce devant quoi nous nous trouvons aujourd’hui : être écrivain européen, c’est surtout être devant ce sentiment de honte face à notre propre histoire. De fait, quand on parle du XXe siècle littéraire, on entend le siècle de Joseph Conrad, qui a publié Heart of Darkness en 1902, et inauguré ainsi un sentiment nouveau, de honte, de perte, de rapport à autrui, d’altérité.

La littérature moderne n’est pas vouée à faire l’auto-éloge comme le faisaient les classiques. La grandeur de la littérature européenne, c’est que nous parlons surtout de l’autre, des autres, du rapport avec les autres. C’est exactement ce dont Erri de Luca a parlé. Peut-être sommes-nous, de ce point de vue, un continent fulgurant.
Je fais toujours référence à Ode Maritime, texte portugais écrit en 1915 par Fernando Pessoa, sous le masque d’Alvaro de Campos. Ce poème, le plus long de la littérature portugaise, a un thème ontologique : sur un quai à Lisbonne, un homme voit un paquebot qui s’éloigne ; en le regardant, il s’imagine quelqu’un qui a été le grand pirate du monde. Dans ce poème moderniste, sensationniste, Pessoa montre la joie d’avoir traversé toutes les mers, mais raconte aussi que ce pirate a broyé les doigts de ses adversaires, a tué des enfants, a fait sortir des yeux de leurs orbites… Ce poème admirable est un poème vraiment européen.

♦ Sylvain Bourmeau
Le hasard fait que nous n’avons autour de cette table que des écrivains originaires de pays maritimes et ce que vous avez dit de ce poème de Pessoa doit les toucher.
Yannis Kiourtsakis, la Grèce est un pays qui occupe de ce point de vue une place particulière dans la géographie du monde, mais aussi dans la géographie littéraire : les références à la littérature grecque ancienne renvoient à ce rapport au monde qui va au-delà de l’Europe.

♦ Yannis Kiourtsakis
La Grèce occupe une place à part, c’est vrai. Comme le Portugal, la Grèce est un petit pays, mais le Portugal a eu un empire et sa langue est parlée par des dizaines de millions de gens alors que le grec est une toute petite langue. Pourtant, l’Europe est inscrite dans l’ADN de la Grèce moderne, de même que la Grèce ancienne était inscrite dans l’ADN de l’Europe. Il y a vraiment eu beaucoup de malentendus entre l’une et l’autre : en Grèce, nous disions toujours « on va en Europe », parce que l’Europe était un autre monde, mais nous nous sentions quand même Européens car le grand rêve de la Grèce moderne était de devenir un pays européen.
Ces malentendus perdurent. Je me sens profondément écrivain européen parce que Grec, spécifiquement européen en tant que Grec, en tant que parlant cette langue qui a nourri la langue française et toutes les langues européennes. Je pense à Erasme, à Rabelais ; je pense aussi à la redécouverte de la Grèce au XVIIe et au XVIIIe siècle. Mais l’Europe devient actuellement une sorte de mirage, aussi bien pour les Grecs que pour tous les Européens. Je me souviens de cette phrase de Kundera, « Européen : celui qui a la nostalgie de l’Europe »…
Ce qu’il faut – je suis d’accord avec Lidia Jorge – c’est parler d’abord de nos déchirures, en tant que Grecs, en tant que Portugais, en tant que Français, en tant qu’Européens. On parle ici beaucoup de droits d’auteur, j’ai moi-même une formation de juriste, mais, je suis un peu désenchanté par rapport à tout cela et je pense, de manière métaphorique, à ce qu’a dit Erri de Luca tout à l’heure : la nourriture, ce n’est pas une marchandise. Pour ma part, je voudrais défendre d’abord la création, avant toute industrie culturelle

♦ Sylvain Bourmeau
Robert McLiam Wilson, je sais que la honte dont ont longuement parlé Erri de Luca puis Lidia Jorge est un mot important aussi pour vous. Diriez-vous qu’il caractérise l’identité européenne ?

♦ Robert McLiam Wilson
Surtout pour moi car, en tant qu’écrivain anglophone, j’ai toujours l’impression de faire semblant quand je parle de l’Europe et même quand j’essaie d’être européen. En effet, je fais partie d’un monde énorme et énormément uni par une langue – ce n’est pas comme au sein de la francophonie, nous n’avons pas besoin de sous-titres avec les étrangers… En fait, la langue anglaise est presque plus variée en Angleterre que dans le reste du monde. Cette présence linguistique est très puissante et je fais vraiment partie de ce monde : il n’y a personne que je ne pige pas en Nouvelle-Zélande, aux États-Unis ou en Afrique du Sud.
Il est très étrange de ressentir cela tout en faisant partie de cette moitié de continent qui ne parle pas anglais : que vous ne parliez pas anglais est très bizarre, à quoi servez-vous ?… (Rires)
Toutefois, je me suis très vite rendu compte, en France, que la Grande-Bretagne, ça sert à quelque chose pour vous : nous sommes là comme une zone d’absorption, d’explication, de traduction entre vous et les États-Unis… Parce que vous ne pigez pas les États-Unis : sans nous pour vous expliquer, vous seriez complètement à côté de la plaque. (Rires)
Et cela s’aggrave, par exemple vous êtes actuellement choqués par Donald Trump, comme vous l’étiez précédemment par Sarah Palin, et je vous dis toujours la même chose : ne vous inquiétez pas, pauvres Français, c’est une tradition chez eux, ils le font tous les quatre ans, un vrai taré, bizarre, apparaît au début comme ayant la possibilité d’être élu, mais ça n’arrive jamais ! Le problème, c’est qu’un jour j’aurai tort… (Rires)

♦ Valentine Goby
C’est déjà arrivé : George Bush…

♦ Robert McLiam Wilson
Désolé, mais vous dites cela parce que vous n’avez pas bien compris Donald Trump : s’il gagnait ce serait les good old days…
Quand on parle de la gauche et de la droite en Europe, cela n’a rien à voir avec les États-Unis. C’est assez difficile à expliquer, on pourrait assimiler cela à la gauche et la droite du XIXe siècle, mais avec des gens super-croyants, des protestants mais pas comme chez vous, protestants des pays froids : Écosse, Allemagne, Irlande du Nord. Cela rend le mouvement conservateur bien plus dangereux qu’il ne l’est ici. La menace se précise et je suis là pour vous prévenir que des choses mauvaises vont arriver : faites gaffe ! (Rires)

♦ Sylvain Bourmeau
D’une île à l’autre : Eirikur Örn Norddahl vous êtes Islandais, donc dans l’Europe, mais aussi le plus éloigné du centre de l’Europe, si on laisse de côté les territoires lointains qui appartiennent à des pays européens et où le sentiment d’appartenir à l’Europe n’est pas très puissant.
Comment regardez-vous l’Europe, vous, en Islande, qui êtes finalement plus proche des États-Unis que Robert McLiam Wilson ? L’Europe vous paraît-elle très lointaine ? Dans quelle mesure peut-elle être un territoire de création pour vous ? Je sais que vous avez vécu aussi à Berlin.

♦ Eirikur Örn Norddahl (interprétation)
Il faut savoir que l’Islande n’est pas seulement à la périphérie de l’Europe mais aussi à la périphérie des États-Unis. La ligne de partage entre l’Europe et l’Amérique passe exactement au milieu de l’Islande et l’on peut donc dire que j’ai grandi en Amérique. En fait, l’Islande donne le sentiment d’être un petit pays au milieu de l’océan, très loin du reste du monde.
S’agissant de la littérature, rares sont ceux qui sont capables de traduire, peu d’argent est disponible pour les traductions et la plupart sont en d’autres langues européennes. J’ai parfois le sentiment que l’Europe n’est pas seulement la forteresse légale qu’elle est mais aussi une forteresse spirituelle. Cet été, lors d’une conférence culturelle à Helsinki, j’ai rencontré l’écrivain Luiz Ruffato, qui m’a dit qu’il était las de se rendre dans de telles conférences où l’on rencontre uniquement des écrivains d’Europe et d’Amérique du nord, cette dernière étant un peu une dérivation de l’Europe. Cela va vous sembler curieux de la part de quelqu’un qui vient d’un si petit pays mais, parfois, en Europe, je me sens claustrophobe…
Il m’arrive aussi de me demander si la survie de l’idée européenne, de la littérature européenne ne dépend pas de la capacité de cette littérature à conserver son dynamisme et son originalité, mais aussi à se développer sans perdre son identité, à embrasser une dimension arabe, asiatique ou africaine.

♦ Sylvain Bourmeau
Je rebondis sur ce dernier point et sur l’idée, que soulignait tout à l’heure Martin Ajdari, d’une spécificité de l’Europe pour qui la littérature serait un atout culturel vis-à-vis d’autres régions. Partagez-vous cette idée ? Ou pensez-vous qu’elle est l’expression de cet ethnocentrisme que ressentait cet écrivain brésilien lors de cette conférence à Helsinki ?
Qui souhaite répondre ? Lidia Jorge, vous qui venez d’un petit pays mais qui a essaimé partout dans le monde, sachant que, précisément, ce propos émanait d’un écrivain brésilien ?

♦ Lidia Jorge
On nous dit toujours que l’Europe se replie trop sur elle-même, que nous ne parlons que de notre nombril. Du coup, on a aujourd’hui l’impression que les auteurs de tous les pays européens veulent montrer à tout prix qu’ils ne connaissent pas que l’Europe, que le village où leurs parents sont nés, qu’ils sont véritablement cosmopolites : leurs romans se déroulent désormais tout autour du monde.
Pourtant, je considère que tout ce qui est universel a un territoire et je ne pense pas que cette réponse soit la bonne, bien au contraire. Pour moi, un auteur italien comme Antonio Moresco, qui a écrit un livre formidable, La Lucina, sur ce qui est européen, nous montre que c’est en écrivant sur un petit territoire que l’on connaît bien que l’on accède à l’universalité. C’est donc un débat que l’on devrait dépasser car, au-delà des langues, au-delà des nations, au-delà des territoires, il existe autre chose : la transfiguration et les mythologies humaines. Il faut qu’entre nous nous n’ayons pas honte de montrer que parler d’un point de vue spécifique c’est être européen. Je trouve que Herta Müller est européenne tout comme Javier Marías est européen. Quand on est capable de mélanger ce sentiment d’appartenance à un territoire et sa connaissance du monde ; quand on est capable de descendre au bout des racines, on est capable de parler de cette bataille intérieure des hommes. Le thème littéraire, c’est toujours cette bataille que nous menons les uns à côté des autres.
S’agissant des livres, il est vrai par ailleurs que nous nous sentons comme une banlieue de l’Amérique pour la simple raison que nos livres n’y sont pas traduits, tandis que les États-Unis offrent un rayonnement extraordinaire à toutes les œuvres, y compris celles qui ne sont pas bonnes. C’est aussi là-bas que ce fait le choix : si l’on est publié, si elle fait l’objet de louanges en Amérique, alors notre œuvre peut faire un aller-retour. C’est une forme incroyable de colonisation. Le pire n’est donc pas d’être tourné vers notre nombril.
En lisant les auteurs américains et les auteurs européens, il m’apparaît que nous nous engageons dans une Odyssée de résistance, surtout quand on ne cède pas à un cosmopolitisme superficiel et que l’on est capable de parler honnêtement de notre mode de vie.

♦ Robert McLiam Wilson
Je suis complètement d’accord – si j’ai bien compris… –et j’irai même plus loin. Le regard des enfants est souvent intéressant sur de telles questions. Eh bien, je crois que quand la littérature marche, la question de la nationalité ne se pose pas : lorsque j’étais enfant, j’étais persuadé que Dickens, Balzac et Tolstoï étaient Irlandais (Rires).

♦ Yannis Kiourtsakis
Je suis moi aussi tout à fait d’accord. D’ailleurs, je crois que c’est un écrivain portugais, Miguel Torga, qui a écrit que l’universel c’est le local moins les murs… De fait, une littérature qui n’est pas enracinée ne peut pas être universelle. Donc, le vrai cosmopolitisme, c’est l’universel.
La Grèce moderne a été un pays semi-colonisé et cela se poursuit de nos jours. C’est d’ailleurs souvent du fait de la Grèce elle-même. Au lendemain de son indépendance, le pays a été dominé par les partis dits russe, anglais et français. C’était bien sûr frustrant pour les Grecs et cela explique en partie nos réflexes ethnocentriques. Par contre, lorsque j’écris en grec, je comprends que ce qui fait l’universalité de cette langue tient précisément à sa spécificité, à ce qu’il y a de plus singulier en elle et qui n’a rien à voir avec l’ethnocentrisme. Je suis de plus en plus enclin à penser que la Grèce, plus qu’une nation, est une voix qui vient d’ailleurs et qui interroge notre modernité. Prenons l’exemple du mot agora : aujourd’hui c’est un marché, mais c’est avant tout un lieu où les gens échangent leur parole. Si on pouvait redonner à l’agora ce sens pour le présent et le futur, c’est une révolution morale qui aurait eu lieu.
C’est pour ces raisons que la littérature n’est pas une voix spécifiquement grecque, française ou irlandaise.

♦ Robert McLiam Wilson
Après cela, allez-vous continuer, Sylvain, à nous dire que nous venons de « petits pays » ? (Rires)

♦ Sylvain Bourmeau
Je vous trouve très pessimistes sur le rôle que joueraient les États-Unis dans l’élaboration du canon littéraire. Robert McLiam Wilson, vous êtes un exemple contraire : vous avez rencontré le succès à travers des pays européens comme la France, l’Italie, l’Allemagne, la Pologne, l’Espagne, et pas dans des pays où l’on parle votre langue, comme les États-Unis et même l’Angleterre,…

♦ Robert McLiam Wilson
Oh, ça va ! (Rires)

♦ Sylvain Bourmeau
C’est frappant et cela a sans doute à voir avec ce que vous dites de l’Irlande, qui les gêne.

♦ Robert McLiam Wilson
C’est aussi une question de culture anglo-saxonne. J’adore le français, qui est une langue très bien fabriquée pour s’exprimer, tandis que l’anglais est fait pour être compris. C’est une langue extraordinaire, dont la base est cinq fois plus large que celle du français, malheureusement, elle est parlée par des cons ! (Rires) On est très cons ! Vous étudiez la philo au lycée : nous voyons cela comme une forme de torture des enfants ! Quand vous évoquez le sujet, on a envie de vous supplier de ne pas nous faire de mal… (Rires)
La culture anglo-saxonne est très difficile à expliquer. Non, en fait ce n’est pas difficile du tout : il faut aller voir un match de foot. Le cliché c’est que le public n’est constitué que de cons et de hooligans. Pourtant, il y a toujours un endroit super-bourgeois, avec des gens super-sophistiqués, invisibles aux autres, avec leurs propres débats, leurs propres conférences. Voilà, c’est cela la culture anglo-saxonne, y compris aux États-Unis avec le base-ball : c’est un microcosme de nos sociétés.
C’est comme cela que j’explique que je n’ai pas vraiment réussi aux États-Unis, merci pour cette question ! (Rires)

♦ Sylvain Bourmeau
On parle beaucoup de la langue anglaise. C’est sans doute parce qu’elle occupe une place considérable – et pas seulement dans la littérature –, mais aussi parce qu’il est difficile de construire avec beaucoup de langues cet espace public européen dont je parlais. Je suis frappé de voir qu’il existe très peu d’endroits où cohabitent des textes littéraires européens écrits en différentes langues. Je n’ai finalement le sentiment d’être véritablement en Europe que face à la vitrine des librairies d’Amsterdam, où je vois des livres en néerlandais, en anglais, en allemand et en français. Certes, il ne s’agit pas de toutes les langues européennes, mais c’est assez fréquent dans cette ville et c’est probablement le seul endroit d’Europe où cela existe. Cela nous permet peut-être de comprendre pourquoi Spinoza a habité là, mais cela rend assez pessimiste.
Umberto Eco a dit que « la langue de l’Europe c’est la traduction », mais n’est-ce pas davantage une pirouette qu’une solution pratique pour construire cet espace ? Comment voyez-vous les choses ?

♦ Eirikur Örn Norddahl (interprétation)
Je le disais, la plupart des livres auxquels nous avons accès en Islande sont traduits des langues que nous ne parlons pas. La majorité de la population a accès à l’anglais, donc à l’ensemble de la littérature écrite en langue anglaise, mais seulement à la petite partie du reste de la littérature qui est traduite dans notre langue. Pourtant, sans tomber dans le cliché, il est vrai que cette dernière nous touche plus, car elle est plus près du cœur. C’est peut-être ce qui fait qu’en dépit de notre assez bonne maîtrise de l’anglais, nous habitons en Europe, même si c’est un peu un pays imaginaire.
Je suis par ailleurs frappé qu’une grande partie de la littérature à laquelle nous avons accès, qui n’est ni de langue anglaise ni de langues européennes, nous vienne par la langue des colonisateurs, telle la littérature africaine francophone.
Donc, pour nous, cette citation est vraie.

♦ Robert McLiam Wilson
Quand on s’y rend, on a la sensation que l’Islande est un pays très européen, que les Islandais se sentent extraordinairement européens.

♦ Eirikur Örn Norddahl (interprétation)
Les États-Unis nous ont beaucoup influencés, à tel point que les Scandinaves nous surnomment le 51e État des États-Unis. Il y a longtemps eu en Islande une base américaine et une grande partie de la culture moderne nous est venue par cette base et par les Américains. Ce sont eux qui ont apporté le rock’n’roll et la télévision, notamment.

♦ Sylvain Bourmeau
Sur cette question des langues, des versions originales, des traductions, estimez-vous que suffisamment est fait, que l’on a accès, dans chaque pays européen, à un nombre suffisant de textes traduits ? Nous, nous voyons les choses depuis une perspective française, celle d’un pays qui a une tradition assez importante de traduction, même si la grande majorité – pas loin de 80 % je crois – des textes de littérature qui sont traduits sont de langue anglaise.
Quelle est votre impression au regard de la circulation des textes au sein de l’espace européen ? Ne pensez-vous pas que l’on aurait besoin de politiques linguistiques d’apprentissage des langues. Je suis pour ma part frappé de constater que dans les petits pays comme les Pays-Bas, que je mentionnais tout à l’heure, le fait que les films ne sont jamais doublés mais toujours sous-titrés joue un rôle très important dans le rapport au monde. En France, nous avons une chaîne franco-allemande – et même européenne – mais qui propose beaucoup de programmes doublés et non pas sous-titrés, comme s’il était trop violent de proposer des programmes sous-titrés à la population…

♦ Yannis Kiourtsakis
Je puis témoigner qu’il y a en Grèce une énorme quantité de littérature étrangère traduite, évidemment d’abord nord-américaine, mais aussi européenne, y compris originaire de petits pays d’Europe centrale. Même si les choses se sont un peu tassées à cause de la crise, on peut parler depuis une trentaine d’années d’une fièvre de la traduction et nous lisons énormément de livres étrangers.
En revanche, la littérature grecque moderne est complètement inconnue et je pense qu’à cet égard, l’Islande est mieux pourvue que nous, en dépit de sa petite taille. Certains écrivains grecs sont pratiquement inconnus en France, tel Papadiamantis, le nouvelliste ou le grand poète Solomos. Seuls les prix Nobel sont traduits, pourtant la littérature grecque est très vivante actuellement : je sens un renouveau, qui me donne beaucoup d’espoir dans l’avenir.
Lorsque  les phihellènes européens sont venus chez nous, au moment de la révolution de 1821, ils ont été surpris de constater que les Grecs avaient complètement oublié leur passé ancien, comme s’ils n’avaient rien à voir avec l’Antiquité. Pourtant si les Européens nous beaucoup appris sur l’Antiquité classique, nous avons fini par découvrir que le noyau dur de la Grèce de toujours, telle qu’elle a été transformée à travers les siècles, était bel et bien vivant au fond de nous. Les Européens ont certes stimulé cette découverte, mais c’est surtout grâce à la pérennité de notre langue, à notre culture orale et à notre littérature moderne que nous avons acquis une meilleure connaissance de nous-mêmes, en particulier de l’altérité de la Grèce par rapport à l’Europe des temps modernes.
C’est très intéressant et c’est ce qui fait que je considère que la traduction est extrêmement importante. À cet égard, l’initiative de la Société européenne des auteurs, de Camille de Toledo, qui parle d’une Europe de la traduction et d’une Europe de la création politique et poétique, est très importante à mes yeux.

♦ Lidia Jorge
Je suis d’accord avec ce qui vient d’être dit. Je crois même que tous les supports qui peuvent aider la traduction sont les bienvenus. Je vais expliquer pourquoi en employant une phrase peut-être un peu démodée, mais je pense que la littérature, quand elle vient au lecteur, constitue une espèce de patrie.
Quand j’étais très jeune, en âge moi aussi de lire Les Misérables et Charles Dickens, je ne connaissais pas le nom des auteurs mais leurs histoires. J’avais conscience que cela se déroulait loin, mais dans des lieux fantastiques et c’était formidable. Je pense qu’il en est toujours ainsi.
On doit, en Europe, promouvoir les traductions, au bénéfice de la variété des langues, d’abord parce que ces dernières font la distinction entre les peuples, même si elles peuvent aussi être la racine d’un nationalisme extrême. En 2004, au moment de l’invasion de l’Irak, je participais à la maison de la littérature de Hambourg à une réunion d’écrivains européens, à laquelle chaque pays avait envoyé un représentant. Pendant deux jours, dans les échanges oraux, nous avons parlé de l’Europe comme d’une identité et une fraternité. Mais, lorsqu’on lisait les textes, on y discernait des blessures terribles entre les pays. Il y avait donc une immense contradiction entre notre discours, destiné à unir, et nos récits, qui étaient parfois contre les autres. Alors que les journalistes se désintéressaient totalement de nous, le troisième jour, il est advenu que l’Europe s’est divisée entre les pays qui, tels la Pologne, l’Angleterre, le Portugal, se sont déclarés favorables à l’invasion de l’Irak, et ceux qui s’y opposaient, comme la France de Dominique de Villepin.

♦ Robert McLiam Wilson
Même les écrivains pensaient de la sorte ?

♦ Lidia Jorge
Absolument.

♦ Robert McLiam Wilson
Même l’écrivain anglais était pour l’intervention ?

♦ Lidia Jorge
L’Angleterre était seul pays qui n’avait pas envoyé d’écrivain à la réunion. Intéressant, non ? J’avais préféré occulter ce détail, mais vous m’avez poussée dans mes retranchements… (Rires)
En fait, ce que nous avions trouvé dans les textes, les hommes politiques le traduisaient à voix haute. Nous pensions d’une certaine façon, la politique pensait derrière nous, conformément à nos textes. Cela a été un jour marquant dans ma vie.
Si l’on veut aller vers une Europe littéraire mais aussi économique, capable de se défendre, d’avoir les veines ouvertes non pas dans le mauvais mais dans le bon sens, je pense que la traduction des livres est extrêmement utile. Elle permet notamment de créer cette patrie littéraire. Cela suppose de faire circuler les livres non seulement européens mais du monde entier. Il faut donc prendre garde à ne pas fermer le robinet des traductions.

♦ Sylvain Bourmeau
Outre la traduction, j’évoquais aussi la maîtrise de différentes langues. Robert McLiam Wilson, le fait de décider d’habiter à Paris et ainsi d’apprendre le français et de le parler de mieux en mieux, conduit-il à écrire l’anglais d’une autre manière, à avoir un autre rapport à sa propre langue, en tant d’ailleurs qu’écrivain mais aussi que lecteur de littérature ?

♦ Robert McLiam Wilson
Quand on est à l’étranger en tant qu’anglophone, dans un pays comme l’Islande ou les Pays-Bas, la question se pose de façon totalement différente : on ne peut pas apprendre la langue du pays et, chaque fois, quelqu’un me reprend dans un anglais plus parfait que le mien. En revanche, en France, en Espagne, en Allemagne, en Grèce, au Portugal, on peut. Et on se rend alors compte que son anglais n’est pas si extraordinaire que cela, on se rend compte de la faiblesse de notre langue maternelle. Puis, et ce n’est pas vraiment chouette, on commence à perdre la langue originelle, sans pour autant s’améliorer en français…
En fait, ce n’est pas forcément la langue qui est en cause. Comprendre les rapports entre les hommes et les femmes en France m’a pris énormément de temps : c’est vraiment quelque chose de spécial, qu’il n’y a pas ailleurs – et ce n’est pas un compliment… La langue des phénomènes politiques est aussi chez vous assez particulière. Parler de racisme en Angleterre n’est pas la même chose qu’en parler aux États-Unis, qui sont marqués par l’esclavage, ni qu’en parler en France. De même, la gauche et la droite n’ont pas la même signification. Très souvent, je suis avec quelqu’un qui commence à dire du mal d’une personnalité connue, comme un philosophe, mais moi je suis obligé de demander qui est facho et qui ne l’est pas, tout simplement parce que la parole ne suffit pas à faire le distinguo. Il est de plus en plus fréquent de s’apercevoir que des auteurs qui semblaient tout à fait comme il faut à la lecture de quelques paragraphes sont en fait super-fachos et qu’il faut absolument éviter de les citer.
Et cela vaut aussi dans l’autre sens. J’ai lu récemment sur Jeremy Corbyn, le nouveau chef du parti travailliste, des articles rédigés en France et en Allemagne par des journalistes britanniques qui se moquaient énormément de lui. Alors qu’ils étaient supposés de gauche, leurs propos étaient pires que ceux des conservateurs, ils parlaient de lui comme d’un canular et affirmaient qu’il n’avait aucune chance de gagner.
Bref, mieux vaut peut-être ne pas très bien parler le français : quand on ne pige pas, on aime tout le monde. (Rires)
Désolé de ne pas avoir vraiment répondu à votre question…

♦ Yannis Kiourtsakis
On a vécu aussi en Grèce ce type de dénigrement à l’égard du gouvernement Syrisa, de la part des médias tant étrangers que grecs.
Je voulais ajouter un mot à propos de la double appartenance à la Grèce et à la France. À dix-huit ans, je suis venu en France pour m’ouvrir à d’autres horizons. Et puis, la France m’a fait découvrir la Grèce comme la Grèce m’a fait découvrir la France. Et cette double appartenance s’est peu à peu muée en un double exil. Cela peut tenir à des questions personnelles mais cela relève aussi de l’évolution de notre monde. Double exil est d’ailleurs le titre que les éditeurs français ont donné à un de mes livres qui s’appelle en grec Nous les autres et non pas « nous et les autres » : c’est l’altérité qui se niche au cœur même de l’identité. Finalement, ce double exil a été un enrichissement car j’ai découvert la littérature, le roman, comme patrie.

♦ Sylvain Bourmeau
S’agissant du droit d’auteur et du cadre européen, auquel vous avez fait allusion, Yannis, comme voyez-vous tous les quatre les choses ? La philosophie de la politique européenne, pour reprendre l’expression utilisée par Martin Ajdari, vous préoccupe-t-elle en ce qu’elle peut fragiliser des institutions ou des concepts juridiques comme le droit d’auteur qui permettent jusqu’à présent d’organiser une certaine diversité, de promouvoir les traductions, de faire en sorte qu’un certain nombre d’écrivains puissent, si ce n’est vivre de leur plume, du moins être rétribués pour leur travail ?

♦ Lidia Jorge
C’est un sujet très important sur lequel il est pourtant difficile d’avoir un avis tranché.
Je me sens triste, mais non pas vis-à-vis des institutions européennes, de la question des droits d’auteur, des gens, de notre lutte. Ainsi, au Portugal, la Société portugaise des auteurs se bat beaucoup et nous nous sentons très soutenus. En fait c’est par les lecteurs que je suis profondément déçue. Je me demande si cela tient à l’éducation ou aux médias qui, exerçant une forme de nouveau pouvoir impérial, abaissent sans cesse la qualité des choses. Au Portugal, dans les années 1980, on s’imaginait que l’on était sur le point de créer un pays de lecteurs. Or, on a reculé. Je disais à Yannis quelle tragédie c’est de se rendre dans un kiosque et de voir toute la devanture emplie de magasines « roses », tandis que les bons journaux sont cachés.
Une bibliothèque du sud du Portugal porte mon nom. Je m’y suis rendue en visite une année pour la noël. Les livres qui y étaient présentés comme lectures pour noël portaient sur le diable, la chiromancie : toutes les formes spirituelles vulgaires étaient là ! Et un tel phénomène n’est pas spécifique au Portugal : les vitrines montrent l’ordure de la créativité et les bons livres sont tellement cachés qu’il faut parfois se mettre à genou pour trouver celui que l’on cherche dans un rayonnage !
Je suis déçue par mon peuple et par les lecteurs. On peut adopter toutes les lois que l’on veut au bénéfice des auteurs : à quoi bon si le peuple ne s’intéresse qu’aux aspects les plus superficiels de la créativité ?

♦ Sylvain Bourmeau
Eirikur, vous partagez ce sentiment ?

♦ Eirikur Örn Norddahl (interprétation)
Pendant que Lidia Jorge parlait, je pensais à Paulo Cuelho, l’écrivain lusophone le plus connu dans le monde, qui est vu comme une icône de spiritualité.
S’agissant des droits d’auteur, je me souviens que Godard a dit « un auteur n’a aucun droit. Je n’ai aucun droit. Je n’ai que des devoirs. » Pour ma part, je me rends compte que je passe beaucoup de temps à parler des droits d’auteurs – à tel point que j’ai l’impression que le devoir de l’écrivain est de parler de ses droits d’auteur – et que j’en oublie mes autres devoirs…
Pour moi, le devoir, c’est seulement de défendre le copyright et de lutter contre les restrictions à la diffusion de la littérature. J’ai grandi dans une petite ville de 2 500 habitants au nord-ouest de l’Islande. On y trouve une jolie bibliothèque mais, à 17 ans, j’ai eu accès à internet et, soudain, tout a changé : la poésie est entrée dans ma vie – de façon tout à fait illégale puisque j’ai téléchargé un grand nombre de poèmes – et elle en a été transformée par la rencontre avec des œuvres auxquelles je n’avais pas accès précédemment.
Par ailleurs, comme tous les biens culturels, les livres sont en général volés par des gens qui ont peu d’argent ou par des adolescents qui, même s’ils ne sont pas pauvres, ne disposent pas d’un budget consacré à la culture et ne peuvent pas s’enfermer dans des bibliothèques. Il est donc important de donner aux jeunes le plus grand accès possible à la littérature, même si cela signifie parfois fermer les yeux sur ce qu’ils font pour cela.

♦ Robert McLiam Wilson
Pour ma part, je n’ai jamais parlé de droits d’auteur mais globalement je suis contre les droits pour les écrivains. Franchement, il y a trop d’écrivains et je pense qu’il faut limiter le nombre des poètes, réduire celui des dramaturges, bloquer leur accès aux frontières. (Rires)
J’ai eu l’honneur qu’un de mes livres soit pendant dix ans le plus volé à Belfast…

♦ Yannis Kiourtsakis
Je ne suis pas contre le droit d’auteur.

♦ Marie Sellier
Bravo ! (Rires)

♦ Yannis Kiourtsakis
Mais je trouve que ce que dit Lidia est très important. : si l’on perd nos lecteurs, si tout devient marchandise, si l’on affirme ces droits de manière technocratique, cela va dans le sens de toute l’évolution de l’Europe.
Je suis tout à fait pour le droit d’auteur ; j’ai traduit en grec la lettre ouverte des écrivains européens aux autorités européennes qui va vous être présentée dans un instant ; je vais la signer et j’invite tout le monde à faire de même. Mais je trouve qu’il s’agit d’une toute petite question au regard de la crise morale et anthropologique que traverse l’Europe

♦ Marie Sellier
Exercez-vous un autre métier ? Sinon, comment faites-vous pour manger ?

♦ Yannis Kiourtsakis
Je vis de mes petits revenus. J’ai vécu toute ma vie en touchant des droits d’auteur minimes.

♦ Marie Sellier
Mais vous avez bien touché des droits d’auteur !

♦ Yannis Kiourtsakis
Oui et je suis pour.

♦ Marie Sellier
Vous en avez donc bien touché. Je vois pourtant sur cette estrade une concentration d’auteurs qui y sont hostiles. Et vous, Robert McLiam Wilson ?

♦ Robert McLiam Wilson
Je l’ai dit, il faut avant tout empêcher qu’il y ait des écrivains, à l’exception bien sûr de nous quatre… (Rires)
Cette boutade est destinée à dire simplement ce que vient d’exprimer Yannis : on a souvent l’impression que la tension est exacerbée sur un sujet certes important mais pas dominant.

♦ Lidia Jorge
Ma vie est trop occupée pour que je m’en occupe moi-même, mais je remercie tous ceux qui plaident en faveur de ce grand droit des auteurs.
Je veux dire aussi, dans cette maison, que l’on a parfois le sentiment que les éditeurs rêvent que l’auteur écrive, qu’il meure le jour où il achève son livre et qu’il ressuscite seulement pour écrire le suivant… (Rires)
Pour avoir eu un éditeur qui ne me donnait pas d’argent bien qu’il vende mes livres, je sais combien a été important le combat qui nous permet désormais d’écrire sans être confrontés à ce genre de problème. Je le répète, je ne suis pas capable de m’en occuper moi-même, mais je remercie ceux qui le font.

♦ Sylvain Bourmeau
J’ai ouvert cette table ronde en citant cette entreprise médiatique difficile qu’a été Liber. J’ai ensuite entendu ce qu’a dit Lidia Jorge des médias qui sont entre les auteurs et les lecteurs et qui font de moins en moins bien leur travail et je me sens directement concerné par cette question, puisque je suis journaliste. Pour terminer sur une note positive, même si je suis peut-être trop optimiste, je me réjouis que de très bonnes nouvelles aient été annoncées ces derniers jours. Je pense notamment au choix fait par Apple non seulement d’autoriser mais même d’encourager les applications de blocage des publicités sur ses terminaux téléphoniques. C’est encore assez peu répandu en France par rapport à l’Allemagne où 40 % des utilisateurs ont déjà installé de tels dispositifs sur leurs ordinateurs. Moi, je vois dans de telles solutions un moyen pour d’autres auteurs, les journalistes, de remettre enfin en place des modèles économiques réalistes, qui reposent sur les contributions des lecteurs et pas sur la bulle spéculative de la publicité, dont je pense qu’elle ne va pas tarder à exploser, pour notre bien à tous.
Merci à tous.