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Les auteurs du jury ont décidé de récompenser Un Séminariste asassin. L'affaire Bladier, 1905, de Philippe Artières (CNRS éditions). 

Philippe Artières Photo Arnaud Lambert

Historien, Philippe Artières est aujourd'hui directeur de recherches au CNRS (IRIS, EHESS). Il a soutenu une thèse en 1996 sous la direction de Michelle Perrot, publiée en 1998 aux Empêcheurs de penser en rond/La Découverte. Depuis vingt ans, Philippe Artières tente d'écrire une histoire du sujet contemporain par les archives des individus qui se tiennent aux marges de nos sociétés. Son regard s'est porté sur les écrits des prisonniers, des personnes psychiatrisées, des individus stigmatisés ou précarisés socialement. Il tente de suivre ces vies infâmes, comme celle de Jean-Marie Bladier, ce séminariste assassin, ces vies chères à son maitre Michel Foucault. Soucieux de la manière dont les femmes et les hommes aussi marginalisés soient-ils se constituent en sujet politique, il a consacré une partie de son activité à l'édition de leurs autobiographies, journaux personnels ou encore lettres. Conscient de la fragilité des savoirs historiques, il aime à travailler collectivement avec d'autres, comme pour le Dossier Bertrand, Manuella, 2008 ou dialoguer avec des disciplines différentes (notamment avec le sociologue Jean-François Laé ou l'historien de l'art Eric de Chassey).

Auteur de nombreuses publications, notamment le Livre des vies coupables, Albin Michel, 2000 ; Vie et mort de Paul Geny, Seuil, 2013 mais aussi d'expositions (aux archives nationales, au Point du Jour, aux Beaux-Arts de Paris ou au Mucem), il aime à dire que tous ses travaux sont collectifs, des livres réceptacles et lieux d'échanges comme son Dossier sauvage, Verticales, 2019, ou tout récemment son Peuple du Larzac, La Découverte, 2021.

 

 

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Un Séminariste assassin. L'affaire Bladier, 1905, de Philippe Artières, au CNRS éditions.

"Jean-Marie Bladier est séminariste dans le Cantal. Il a dix-sept ans, le jour où il tue et décapite un camarade dans la forêt. Plus d’un siècle plus tard, Philippe Artières rouvre le dossier, méticuleusement. Dans un vivifiant montage de textes, qui mêle les registres de « l’écriture ordinaire », l’historien convoque rapports de médecine légale, rapports d’expertises, coupures de presse, lettres, écrits autobiographiques, citations, photographies, documents divers – non pas seulement pour autopsier le crime, mais étudier la société où il prend place. En ce début de XXe siècle, l’Etat se sépare de l’Eglise, la campagne est loin des villes, les psychiatres étudient la corpulence de l’adolescent sous toutes ses coutures, on parle de dégénérescence, de sadisme sanguinaire, d’irresponsabilité, d’asile d’aliéné. Au plus près des archives, palpitantes comme un livre d’enquête, la sidération, l’étonnement, la curiosité, les hauts le cœur que ces pages suscitent, révèlent une des grandes forces du livre : jouer de l’indiscernable différence du document et de la fiction. Car tout parait si vrai, si bien fait, les descriptions des personnages sont si saillantes et détaillées, l’intrigue est si serrée, que l’ensemble ressemble à la mise en scène d’un crime. Comme si le propre du grand historien était de nous faire douter de la réalité même de ce dont il parle, Philippe Artières, après le vrai-faux Dossier Sauvage, continue d’explorer cette zone trouble qui sépare le monde réel du monde écrit."

Aram Kebabdjian, auteur, membre du Comité de la SGDL


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